#COVID19 : Décryptage du décret du 23 mars 2020 prescrivant des mesures générales pour faire face à l'épidémie
Le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 comporte deux séries de mesures :
-
Celles qui tirent les conséquences de la décision du Conseil d’État du 22 mars 2020 ;
-
Celles qui mettent en œuvre les premières dispositions de la loi d’urgence sanitaire ;
Cet article décrypte la première série de mesures.
Dans son ordonnance du 22 mars 2020, le Conseil d’État imposait au Premier ministre de s’assurer du respecter des gestes barrières, de préciser la porter de certaines règles dérogatoires au confinement et d’évaluer les risques pour la santé du maintien des marchés ouverts.
-
Ne pas se laver les mains est-il pénalement répréhensible ?
Sur le premier point – le respect des « gestes barrières » - le Conseil d’État n’adressait aucune injonction dans le cadre de son dispositif.
Toutefois, dans les motifs de l’arrêt, il ne manquait pas de rappeler :
En deuxième lieu si le non-respect par la population des « gestes barrière » imposés par les autorités sanitaires et des interdictions de déplacement, alors qu’il appartient à chaque personne de contribuer ainsi à la non propagation du virus, ne saurait constituer une carence manifeste des pouvoirs publics, il appartient néanmoins à ces derniers de mettre en place les mesures d’organisation et de déploiement des forces de sécurité de nature à permettre de sanctionner sur l’ensemble du territoire les contrevenants aux arrêtés ministériels et au décret du 16 mars 2020 (…)
Il appartient également à ces mêmes autorités de s’assurer, dans les lieux recevant du public où continue de s’exercer une activité, du respect des « gestes barrière » et de la prise des mesures d’organisation indispensables.
L’article 2 du décret invite donc à se conformer aux « gestes barrières » :
Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l'usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures.
S’il était surréaliste d’entendre le Président de la République rappeler la nécessité de « bien se laver les mains » lors de son discours du 12 mars 2020, le rappel de ces « gestes barrières » dans un texte normatif ne manque pas d’interpeler une nouvelle fois.
Rappelons que l’article R.610-5 du Code pénal punit d’une amende de première classe (d’un montant de 38 euros), le non-respect des obligations contenues dans les décrets :
"La violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe."
Oublier les « gestes barrières », c’est-à-dire, de ne pas se laver les mains, de ne pas éternuer dans son coude, pourrait-il donner lieu à une amende de 38 euros ?
Une interprétation aussi littérale qu’absurde de ce texte pourrait le laisser penser.
Cependant, nous croyons que la première phrase de cet article constitue un « rappel » de l’exécutif et non d’une véritable « obligation » ; ces dispositions ne sauraient donc faire grief et n’auraient donc pas un caractère impératif, mais seulement informatif.
La seconde phrase, en revanche, pourrait constituer une obligation incombant aux organisateurs de « rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements » : il leur appartiendrait alors de rappeler et de veiller au respect des gestes barrières. En l’absence de vigilance de leur part, une amende pourrait alors leur être infligée.
Naturellement, une telle interprétation ne sera sans doute jamais mise en œuvre, mais elle interroge sur la nécessité de rappeler ces éléments dans un décret : le « journal officiel » est-il le meilleur moyen de diffuser une information à un large public ?
-
Courir ou marchés ?
L’article 1 du décret du 16 mars 2020, désormais abrogé, limitait les déplacements en ménageant quelques exceptions, notamment :
5° Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie ;
La rédaction, pour le moins ambigüe, laissait penser que les seuls « déplacements brefs, à proximité du domicilie » étaient liés, soit :
-
A l’activité physique individuelle des personnes,
-
Soit aux besoins des animaux de compagnie
Cette incertitude rédactionnelle était-elle à l’origine de la hausse spectaculaire du nombre de joggeurs ? Faillait-il obligatoirement courir pour sortir de chez soi ?
Le gouvernement avait beau rappeler que « aller se dégourdir les jambes » était autorisé, cela n’était prévu dans aucune case du formulaire. Il apparaissait plus prudent de se promener en tenue de sport ou avec son chien que de risquer une amende.
Sur ce point, le Conseil d’État rappelait la nécessité de « réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile », visant - notamment les joggers ; ce qui pouvait laisser craindre la fin de cette pratique.
Obéissant à l’injonction qui lui était faite, le Premier ministre limite alors cette possibilité sans toutefois l’interdire.
La possibilité de pratiquer une activité physique n’est pas supprimée mais elle est limitée dans le temps et dans l’espace (1h, 1km) au risque de donner le tournis aux pratiquants de la course à pieds.
Il est également précisé que la simple « promenade » est autorisée (dans les mêmes limites de distance et de brièveté) ; plus besoin de donc de se munir d’un animal de compagnie pour aller se dégourdir les jambes !
5° Déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ;
Il est à noter que l’heure figurant sur l’attestation ne doit être remplie que lorsque c’est ce motif qui est invoqué : les autres n’étant pas limités temporairement.
Enfin, la tenue des marchés est désormais interdite, sauf dérogation accordées par le Préfet après avis du Maire.
III. - La tenue des marchés, couverts ou non et quel qu'en soit l'objet, est interdite. Toutefois, le représentant de l'Etat dans le département peut, après avis du maire, accorder une autorisation d'ouverture des marchés alimentaires qui répondent à un besoin d'approvisionnement de la population si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place sont propres à garantir le respect des dispositions de l'article 1er et de l'article 7.
L’injonction du Conseil d’État visait seulement à « évaluer les risques du maintien en fonctionnement des marchés ouverts ».
Sur ce point, le gouvernement est donc allé beaucoup plus loin que ce qui lui était imposé par la Haute juridiction administrative.
Désormais, si l’on peut toujours courir, ce n’est plus pour aller faire son marché.

- Avocat collaborateur
- Avocat au barreau de Montpellier
- Lauréat de l'Ordre
- Premier Secrétaire de la Conférence Nationale du Grand Serment
- Prestation de serment (2015)
- Certificat d'aptitude à la Profession d'Avocat (2015)
- Master II Droit Public des Affaires (2012)
Avocat depuis le 1er janvier 2016, Me Bérenger JACQUINET a rejoint le cabinet en mars 2018, après avoir acquis, durant deux ans de collaboration au sein de cabinets, une expérience dans la pratique du conseil et du contentieux auprès de nombreux acteurs publics. Il a notamment pu mettre en œuvre ses compétences en droit public général, droit de l’urbanisme, droit de l'environnement et de l'expropriation.
- Analyse juridique sur les possibilités de construction d’un établissement pénitentiaire dans une commune sous RNU
- Note relatives aux possibilités de limitations des divisions foncières par le PLU
- Analyse juridique sur les possibilités de mise en compatibilité de PLU pour créer une plateforme industrielle
- Analyse de l’impact d’un projet d’aménagement situé à proximité d’une DUP réserve foncière sur les contentieux indemnitaires en cours devant la juridiction de l’expropriation
- Analyse juridique de la nécessité de procéder à une concertation préalable dans le cadre de la création d’une ZAC
- Note sur la mise en compatibilité des documents d’urbanisme par le biais de la déclaration de projet
- Analyse juridique sur l’application de la loi Montagne à la Réunion
- Défense d'une Communauté d'Agglomération dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un arrêté déclarant l’utilité publique des acquisitions et travaux nécessaires à un projet d’action et de prévention des inondations (PAPI)
- Défense d'une commune dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un arrêté refusant une demande d’autorisation de construire, d’aménager ou de modifier un établissement recevant du public
- Défense d'une commune dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de la délibération formulant un avis préalablement à l’enquête publique en vue de l’élaboration d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN).
- Analyse juridique sur les modalités d’intervention d’une commune permettant d’assurer le respect des normes de salubrité d’un bien immobilier abandonné
- Analyse juridique des obligations communales dans la prise en charge des frais d’obsèques d’une personne indigente
- Instruction de dossiers de création d’enseignes publicitaires