Par arrêt n°458930 en date du 25 janvier 2023, le Conseil d’Etat retient la possibilité de prendre des arrêtés de cessibilité successifs alors même que les parcelles expropriées appartiennent au même propriétaire et participent à la réalisation du même projet objet de la déclaration d’utilité publique concernée.
En l’espèce, 3 arrêtés de cessibilité (février et septembre 2016 puis septembre 2017) ont été pris par la préfète dans le cadre d’une opération d’aménagement d’une ZAC, en vue d’expropriation de parcelles différentes appartenant au même propriétaire. Ces derniers font alors l’objet d’un recours en annulation par les sociétés crédit-bailleuses et preneuses des terrains devant le Tribunal administratif qui accueille leur requête et prononce l’annulation des 3 arrêtés.
Appel est formé par l’État et la société d’aménagement contre le jugement de première instance concernant l’annulation des seuls arrêtés de 2017 (l’annulation de l’arrêté de 2016 devenant ainsi définitive). La Cour administrative d’appel rejette leur demande et confirme le jugement rendu.
Un pourvoi en cassation est donc formé par la société d’aménagement qui considère que la Cour a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l’article L. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique devaient « s’entendre comme imposant à l’autorité administrative de faire figurer dans un même arrêté de cessibilité l’ensemble des parcelles appartenant à un même propriétaire, dont l’expropriation est poursuivie ». Elle avait retenu, en l’espèce, qu’une nouvelle enquête parcellaire aurait dû avoir lieu et un nouvel arrêté de cessibilité concernant les deux parcelles aurait dû être pris, puisque les parcelles concernées étaient la propriété d’une même personne.
Le Conseil d’État a ainsi été amené à s’interroger sur la question suivante :
L’autorité compétente peut-elle prendre valablement plusieurs arrêtés successifs pour déclarer cessibles des parcelles appartenant à un même propriétaire et qui sont nécessaires à la réalisation d’un même projet déclaré d’utilité publique, sans remise en cause de la déclaration d’utilité publique (DUP) initiale ?
Le juge suprême, suivant les conclusions du Rapporteur publique, répond à la question de manière claire dans son arrêt n°458930 en date du 25 janvier 2023, en jugeant que : « Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle- ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique ". Ni cette disposition ni aucune autre disposition législative ou règlementaire n'impose que l'ensemble des immeubles à exproprier pour la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique fasse l'objet d'un unique arrêté de cessibilité. Des arrêtés de cessibilité peuvent dès lors être pris successivement si l'expropriation de nouvelles parcelles se révèle nécessaire pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique. La circonstance que des parcelles faisant l'objet de ces arrêtés successifs appartiennent à un même propriétaire est à cet égard sans incidence ».
Plusieurs arrêtés de cessibilité concernant des parcelles appartenant à un même propriétaire peuvent donc être pris dans le cadre de la réalisation d’un même projet déclaré d’utilité publique, sans que soit remis en cause l’enquête parcellaire ou la DUP initiales, permettant ainsi un étalement des acquisitions au fur et à mesure que le projet se précise ou évolue.