Par un jugement du 14 novembre 2024, le Tribunal administratif de Montreuil a rappelé que l’exercice abusif du droit à former un recours contre un permis de construire est passible de sanction en faisant application de l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme peu mis-en-œuvre jusqu’alors.
En matière d’urbanisme, il existe un droit à former un recours contre les permis de construire, de démolir et d’aménager. Cette faculté découle du droit à un recours effectif consacré par la Convention Européenne des Droits de l’Homme (article 13) qui est une pierre angulaire de l’État de droit.
Toutefois, la liberté des uns s’arrêtant là où commence celle des autres, ce droit ne doit pas être utilisé de manière abusive afin d'entraver le développement et l’aménagement urbains. La loi ELAN (n°2018-1021) de 2018 a justement modifié l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme dans le but de renforcer et simplifier la lutte contre les recours abusifs envers les autorisations d’urbanisme et de rendre seul compétent le juge administratif.
Ce nouvel article L.600-7 du Code de l’urbanisme dispose :
« Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. »
Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil est l’une des rares applications de l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme. Il offre l’occasion de revenir sur l’appréciation portée en la matière et sur les deux critères de qualification d’un recours abusif : le comportement abusif et le préjudice qui en découle.
n l’espèce, Monsieur et Madame C détenaient un terrain qu’ils ont divisé en deux lots. La première parcelle disposant d’un pavillon déjà bâti a été vendue à Monsieur et Madame F, la seconde, vierge, est toujours la propriété des vendeurs qui avaient et ont toujours pour projet d’y construire un pavillon.
Lors de la vente, les acquéreurs ont bien été informés du projet de construction sur la parcelle voisine et ont donc négocié le prix d’achat à la baisse au motif que les futurs travaux allaient provoquer des nuisances et des désordres.
La demande de permis de construire pour le projet de pavillon est intervenue après la vente et les acheteurs de la parcelle déjà bâtie ont estimé « avec une particulière mauvaise foi » que le projet voisin avait évolué depuis leur achat. Ils n’ont alors eu de cesse que d’empêcher la construction avec un recours gracieux, une requête complétée de six mémoires à l’encontre du permis de construire délivré, alors même qu’une modification de celui-ci pour mieux satisfaire leur intérêt ait été faite, et enfin un refus catégorique de médiation.
S’il est généralement admis que la reconnaissance de l’intérêt à agir du requérant exclue la qualification de comportement abusif, les actions engagées par Monsieur et Madame F, pourtant voisins immédiats, vont bien au-delà de la défense de leurs seuls intérêts légitimes. L’exercice de leur droit au recours contre le permis caractérise donc un comportement abusif puisqu’ils ont eu bonne information du projet, que celui-ci n’est que de faible envergure sans vue directe sur leur propriété et qu’il s’inscrit dans le cadre pavillonnaire environnant.
Ce comportement abusif a donné lieu à un préjudice moral pour les pétitionnaires en raison du retard pris dans les travaux et de leur impossibilité de disposer de leur bien.
Le juge conclue donc à l’usage abusif du droit à former un recours contre un permis. Monsieur et Madame F sont donc condamnés à payer une indemnisation de 2 000 € aux pétitionnaires au titre du préjudice moral subi et une amende de la même somme au titre de l’article R.741-12 du Code de justice administrative qui punit le recours abusif.
L’article L.600-7 du Code de l’urbanisme modifié par la loi ELAN a permis au contentieux du recours abusif contre un permis d’être moins long et moins coûteux avec l’action devant le juge administratif. Elle permet en effet d’obtenir simultanément condamnation pour recours abusif et rejet du recours contre le permis. Il apparaît cependant, en pratique, que le juge ne conclue encore que trop rarement à l’application de l’article L.600-7 du Code l’urbanisme.