CE, Assemblée 18 mai 2018, CFDT Finances, req. n°414583
CE, Assemblée, 18 mai 2018, Syndicat CGT, req. n°411045
Dans ces deux affaires, deux syndicats contestaient le décret n° 2017-436 du 29 mars 2017 fixant la liste des emplois que les établissements publics administratifs peuvent pourvoir par recrutement de contractuels. Dans la première affaire (req n°411045) la CGT a directement attaqué le décret par voie d’action, par le biais d’un recours pour excès de pouvoir introduit dans le délai recours contentieux de deux mois. Dans la seconde instance (req. n°414583), la CFDT a contesté ce même acte règlementaire, mais par le biais de l’exception d’illégalité, le recours étant formé à l’encontre du refus du Ministre d’abroger le décret précité.
Le plus important n’est pas la réponse au fond que va apporter le Conseil d’Etat dans le cadre de ces deux recours, mais bien la manière dont il va parvenir à ses décisions.
Par deux considérants de principe visant à définir sa propre compétence, le Conseil d’Etat va préciser qu’en cas d’action contentieuse directe (c’est-à-dire de recours pour excès de pouvoir) exercée dans le délai du recours contentieux contre un règlement, le juge administratif pourra exercer un contrôle qui portera « sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger ». Le juge administratif pourra donc être saisi de tous les moyens de légalité externe et interne susceptibles d’être soulevés à l’encontre d’un acte règlementaire.
Par contre, et c’est là que la position adoptée par le Conseil d’Etat est tout à fait nouvelle, il en ira différemment lorsque la légalité de l’acte règlementaire en cause est contestée par voie d’exception. Dans cette hypothèse, si le requérant pourra utilement invoquer des moyens relatifs à la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir, « il n'en [ira] pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché […] ».
Ces vices ne pourront en effet plus « être utilement invoqués [par le biais de l’exception d’illégalité, mais] que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux ».
Si le Conseil d’Etat n’y fait pas explicitement référence, il semble possible de considérer que c’est le principe de sécurité juridique qui l’a conduit à faire évoluer son office, tout comme il l’a déjà conduit à imposer au requérant de contester dans un « délai raisonnable », une décision ne faisant pas mention des voies et délais de recours (CE, 13 juillet 2016, Czabazj, req. n°387763).
En tout état de cause, l’évolution dans laquelle s’est engagée le Conseil d’Etat risque de ne pas inciter l’Administration à s’efforcer de respecter les conditions de forme et de procédure d’édiction d’un acte règlementaire. L’avenir nous le dira.
Nicolas CHARREL, Avocat associé au barreau de Paris et à la Cour du Luxembourg
Marie BERNARDIN, Avocat collaborateur