A compter de l’entrée en vigueur du Code de la commande publique, les acheteurs disposeront d’une nouvelle faculté de recourir à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence, non plus seulement lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à 25.000 euros H.T., mais désormais également pour les lots dont le montant est inférieur à 25.000 euros H.T.
Nouvel outil ou risque de saucissonnage ?
Un nouvel outil bienvenu pour les acheteurs mais qui risque évidemment d’être source de contentieux sur le terrain de l’obligation d’allotir, dans l’hypothèse d’un allotissement artificiel du marché (« saucissonnage »), dans le but de pouvoir conclure de gré à gré certains lots, d’une opération de travaux par exemple.
Là où le contentieux de la passation des marchés se cristallisait souvent sur le terrain du défaut d’allotissement, soit en l’absence d’allotissement sans justification, soit en cas de recours à des « macro-lots », naitra désormais très probablement un contentieux en cas de recours à des « micro-lots ».
Indépendamment de cela, la lecture de l’article R.2122-28 du CCP relatif à cette nouvelle possibilité, révèle au moins une difficulté d’interprétation, sinon une incohérence voire une erreur du gouvernement dans sa rédaction.
L’article R.2122-8 du CCP prévoit en effet que « l'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 25 000 euros hors taxes ou pour les lots dont le montant est inférieur à 25 000 euros hors taxes et qui remplissent les conditions prévues à l'article R. 2123-4 ».
Ces dispositions nous enseignent que pour utiliser la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence pour des mini-lots, il faut :
- Que le lot soit inférieur à 25.000 euros HT. ;
- Qu’il remplisse les conditions prévues à l’article R.2123-4.
Sauf que l’article R.2123-4 du même code, qui correspondant à l’ex-article 27 du décret du 25 mars 2016 relatif à la procédure adaptée, prévoit que « lorsqu'il recourt à une procédure adaptée, l'acheteur en détermine les modalités en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat ».
Pour résumer, pour utiliser la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence pour un mini-lot de moins de 25.000 euros HT, il faut que ce même lot remplisse les conditions…. de la procédure adaptée.
Ce qui, il faut l’avouer, n’a pas grand sens.
BUG ou simplification assumée ?
S’agit-il d’une erreur de renvoi, le gouvernement ayant en réalité souhaité renvoyer à l’article R.2321-1 pour conditionner l’utilisation de la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence pour des mini-lots, seulement dans l’hypothèse où la valeur estimée du besoin, pris dans sa globalité, est inférieure au seuil de procédure formalisée, afin d’en interdire l’utilisation si la valeur du besoin impose le recours à la procédure d’appel d’offres.
S’agit-il sinon d’une volonté de limiter les risques de saucissonnage et de détournement de procédure, en sous-entendant qu’il appartient tout de même aux acheteurs de prendre en considération le besoin dans sa globalité, par exemple dans l’hypothèse d’une opération de travaux où tous les lots sont inférieurs à 25.000 euros H.T.
Il n’en reste pas moins que cette difficulté devra rapidement être réglée afin que les acheteurs puissent, de manière sécurisée, recourir à cette faculté. Elle le sera peut-être avec le décret « coquille » actuellement en préparation, dont l’objet est de venir rectifier, avant le 1eravril 2019, un certain nombre d’erreurs relevées dans la partie règlementaire du code de la commande publique.
Nicolas CHARREL et Thomas GASPAR, avocats associés, Cabinet CHARREL & Associés, Paris, Montpellier, Marseille.