La DAJ vient, ce 8 décembre 2022, de compléter ses questions-réponses en répondant à la question : les indemnités d’imprévision prévues par l’article L.6 du code de la commande publique sont-elles assujetties à la TVA ?
Elle y répond en se fondant sur les articles 256 et 266 du code général des impôts et sur la jurisprudence en matière de « prestations de services effectuées à titre onéreux » sans cependant la préciser[1].
Plus précisément, l’assujettissement à la TVA suppose notamment de caractériser des « livraisons de biens » ou « prestations de services » effectuées « à titre onéreux »
Ainsi, pour être assujetties à la TVA, les sommes versées doivent l'être en échange d'une livraison ou de l'exécution d'une prestation de service, i.e., il doit exister « un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur perçue ».
La DAJ rappelle d’abord la distinction entre :
- les sommes versées constituant la contrepartie effective d’un service individualisable entrant dans le champ d’application de la TVA peu important à cet égard que l’opération économique soit effectuée à un prix supérieur ou inférieur au prix de revient ou encore que le montant soit ajusté postérieurement à la livraison des biens ou à la prestation de service ;
- les sommes versées à titre indemnitaire ayant pour objet exclusif de réparer un préjudice qui n’ont pas à être assujetties à la TVA ;
- les versements mixtes (constituant (i) la contrepartie d’une livraison ou d’une prestation de services et (ii) réparant un préjudice) qui sont assujetties à la TVA sauf si un accord ventile ces deux valeurs.
La DAJ analyse, ensuite, le cas de l’indemnité d’imprévision prévue à l’article L.6 du code de la commande publique sur la base de ce raisonnement.
Selon elle, l’indemnité d’imprévision intervient bien dans le cadre d’un rapport juridique où le cocontractant reçoit de l’administration « des sommes destinées à couvrir temporairement son déficit d’exploitation résultant de la survenance d’un événement imprévisible et indépendant des parties » dans le but d’assurer la continuité du contrat.
Par suite, elle confirme l'établissement d'un lien direct « entre le principe du versement de l’indemnité d’imprévision et la réalisation des livraisons de biens et prestations prévues par le contrat », celles-ci étant imposables au titre du code générale des impôts.
La DAJ en conclut donc l’assujettissement à la TVA l’indemnité d’imprévision prévue à l'article L.6 du code de la commande publique.
Cette analyse, implacable, pourrait semer le trouble au regard de la mise à jour récente[2] du BOFIP[3] qui indique que ne sont pas incluses dans la base d’imposition « les subventions d’équilibre versées à une entreprise afin de compenser a posteriori un déficit résultant de la conjoncture économique, d’erreurs de gestion imputables à l’entreprise ou de tout événement ne relevant pas de sujétions particulières qui lui auraient été imposées par un tiers », ce qui pourrait englober les indemnités d’imprévision qui visent à préserver l’équilibre du cocontractant de l’administration, certes, en lien avec un contrat.
Cette analyse sème également le trouble au regard de la qualification développée et réaffirmée par le Conseil d’Etat du caractère extracontractuel des indemnités d’imprévision.
En effet, si l’on prend en compte l’ensemble des injonctions juridiques qui s’imposent à l’acheteur, il convient d’estimer que les indemnités d’imprévision :
- sont de nature extracontractuelle au regard du droit de la commande publique – ce qui expliquerait, bien que cela nous semble critiquable, qui n’est pas nécessaire de respecter les règles de modification des contrats de la commande publique et qu’elles n’ont pas à être reprises au décompte général ;
- mais, au regard du droit fiscal, présentent un lien tellement direct avec l’exécution du contrat de la commande publique qu’elles sont assujetties à la TVA.
Quoiqu’il en soit, il nous semble que cette mise au point, nous semble réduire encore un peu plus l’intérêt pour les acheteurs – notamment collectivités territoriales – d’avoir recours à la « convention dont le seul objet est l’indemnisation des charges extracontractuelles » imaginée par le Conseil d’Etat aux termes de son avis du 15 septembre 2022[4].
En effet, alors que dans une telle hypothèse, les collectivités territoriales auraient pu imaginer se soustraire à l’application de la TVA, il n’en est, selon la DAJ. Or, cette dépense de fonctionnement ne pourra bénéficier du FCTVA.
[1] On peut citer :
CJCE, 1er avril 1982, Hong-Kong Trade Development Council, aff. C-89/81 ;
CJCE, 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council, aff. C-102/86 ;
CE, 9 mai 1990, Comité économique agricole des producteurs de plants de pommes de terre de la Région nord de la France et du bassin parisien, req. n°82611, Rec. ;
CE, 6 juillet 1990, C.O.D.I.A.C., req. n°88224, Rec. ;
CE, Sect., 28 juillet 1993, Association syndicale autorisée des Bas Champs de la Somme, req. n°46886, Rec. ;
CJCE, 3 mars 1994, Tolsma, aff. C-16/93
CJUE, 2 juin 2016, Lajvér, aff. C-263/15
[2] Datant du 11 mai 2022
[3] BOI-TVA-BASE-10-10-50
[4] CE, section de l’administration, 15 septembre 2022, avis n° 405540 relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision.