Alors que les faits qui se sont déroulés lors de la finale de la Ligue des champions Real-Madrid/Liverpool, le 28 mai dernier à la Plaine Saint-Denis, défrayent la chronique du fait de l’incompétence du système de sécurité des lieux, un nouveau scandale fait jour à savoir l’incompétence des autorités judiciaires mêlées à celles des services de sécurité qui a conduit à la destruction pure et simple au bout de sept jours des images de vidéosurveillance utile à l’enquête.
Quid des dispositions légales à ce sujet et des moyens à dispositions tant des autorités que de l’exploitant du stade pour parvenir à maintenir un dispositif de sécurité opérant et efficient dans l’enceinte d’un stade qui peut accueillir pas moins de 81 000 personnes ? En effet, ce délai de sept jours n’est-il pas trop limité pour assurer la sécurité d’une telle capacité de personne.
Les systèmes de vidéoprotection concernant la voie publique ou les lieux et établissements ouverts au public particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol sont réglementés par les dispositions des articles L 252-2 et L255-8 du Code de la sécurité intérieure.
A ce titre, aux termes de l’article L. 252-1 du Code de la sécurité intérieure, « L'installation d'un système de vidéoprotection dans le cadre du présent titre est subordonnée à une autorisation du représentant de l'État dans le département (...), après avis de la commission départementale de vidéoprotection ».
Ainsi, cet article laisse-t-il le soin aux Préfets de fixer librement le délai et les modalités de conservation des images pour chaque commune dans la limite de celui d’un mois maximum prévu par les dispositions légales de l’article L 252-5 du Code de la sécurité intérieure :
Hormis le cas d'une enquête de flagrant délit, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire, les enregistrements sont détruits dans un délai maximum fixé par l'autorisation. Ce délai ne peut excéder un mois. Mais l'autorisation peut également prévoir un délai minimal de conservation des enregistrements.
En l’espèce, l’arrêté préfectoral du 20 septembre 2021 (Page 21 à 24), propre au CONSORTIUM STADE DE FRANCE- LA PLAINE SAINT DENIS reprend simplement ces dispositions :
Article 5: "Hormis les cas d'une enquête de flagrant délit, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire, les enregistrements sont détruits au terme d'un délai maximum de 30 jours".
La référence à cet arrêté Préfectoral ne permet ainsi aucunement de justifier, le délai fixé par la Direction du CONSORTIUM STADE DE France, de 8 jours. Alors pourquoi donc les images ont-elles été effacées ?
La réponse est simple, l’article 17 du règlement intérieur du STADE DE France prévoit :
Le public est informé que pour sa sécurité, le Stade est équipé d’un système de vidéosurveillance placé sous le contrôle d’Officiers de Police Judiciaire pendant les manifestations et susceptible d’être utilisé en cas de poursuites pénales. Un droit d’accès aux images pendant 8 jours est prévu, conformément à l’article 10 V de la loi du 21 janvier 1995, auprès du Directeur du Consortium Stade de France.
Hors manifestation, le système de vidéosurveillance est placé sous le contrôle d’agents de sûreté agréés.
En effet, il existe un vide juridique qui permet aux Communes ou exploitants de fixer librement ce délai dans le respect des termes mêmes de l’arrêté Préfectoral autorisant l’installation du système.
Au cas d’espèce donc, rien n’impose au Directeur de la sécurité et de la sureté pour le CONSORTIUM STADE DE FRANCE de justifier pourquoi les images ne sont conservées que 8 jours en lieu et place du délai d’un mois maximum précisé dans l’arrêté Préfectoral du 20 septembre 2021 et ce malgré ce que la logique semble imposer notamment en cas d'incidents particulièrement grave. L'arrêté préfectoral aurait d'ailleurs pu prévoir le respect du délai d'un mois dans cette hypothèse. Et pour l'avenir, il faudra probablement le modifier, ici comme ailleurs pour satisfaire aux besoins des enquêtes toujours dans de telles hypothèses.
A titre d’exemple, ce délai de conservation est de 10 jours pour la Ville de Marseille, de 15 jours pour la Ville de Nîmes, on est loin du délai de 7 jours appliqué par le CONSORTIUM STADE DE FRANCE...
En conséquence, l’on ne pourra que s’interroger sur les circonstances qui ont motivé la fixation d’un tel délai, délai qui ne permet visiblement pas à quiconque qui en possède la compétence, d’analyser et ou de conserver la multitude de vidéos enregistrées les soirs d’évènements au Stade par plus de ... 200 caméras.
En tout état de cause, et malgré ce délai plus que restreint, il est opportun de rappeler qu’en tant qu’organisateur de la rencontre, il pèse sur l'organisateur une obligation de résultat quant à la sécurité et, ainsi, une responsabilité objective du fait du comportement des joueurs, des dirigeants, des supporters et même des simples spectateurs (CE, avis, 29 octobre 2007, SASP Losc Lille Métropole, req. n°307736 ; v. également CAA Marseille, 17 oct. 2016, Sporting Club de Bastia SASP, req. n° 15MA01533).
Il peut, voire doit, d’ailleurs prendre des sanctions spécifiques prévues par les articles L. 332-1 et suivants Code du sport visant, après demande auprès du préfet sur la base d’un dossier circonstancié, interdire l’accès au stade aux personnes constituant une menace pour l’ordre public (article L. 332-16 du Code du sport), or de telles demandes ne peuvent être acceptées sans l’adjonction d’images probantes surtout si elles existent.
De ce fait, loin d’encourager ce dernier à méconnaitre les dispositions législatives qui s’impose en matière de videoprotection, tant l’exploitant, l'organisateur de la rencontre que les autorités judiciaires compétentes disposaient de moyens légaux afin de conserver ces images au-delà du délai fixé qu’il soit de 8 ou de 30 jours.
D’une part, les autorités judiciaires territorialement et matériellement compétentes étaient en mesure, dès la connaissance des faits, à savoir le soir même du match et compte tenu de l'impact médiatique considérable, de solliciter les services du STADE afin que les images soient conservées et leur soit adressées comme l’article L 252-5 du Code de la sécurité intérieure le permet.
D’autre part, en tant qu’exploitant de l’enceinte, le CONSORTIUM STADE DE France et l'UEFA (à moins que cette dernière ait moins d'obligations que les clubs professionnels français), pouvait à l’instar de ce qu’on déjà fait d’autres Club de football en France, solliciter du Juge judiciaire la conservation spéciale des images de vidéosurveillance afférentes au match, et ce par la voie d’une ordonnance sur requête.
A l’horizon des JO de 2024, il semblerait opportun voire nécessaire et primordial que tant les exploitants de stade et autres enceintes sportives, les organisateurs et et les autorités publiques se préparent à faire face à des déconvenues et pour ce faire prennent en main et utilisent pleinement les outils que la législation leur met déjà à disposition pour maintenir la sécurité de tous.