Par une décision « Montpellier Méditerranée Métropole » du 25 juin 2021 (n° 441933), le Conseil d’Etat a clos un débat ancien relatif à la possibilité, pour le gestionnaire du domaine public, d’exiger une redevance d’occupation en raison de l’occupation de celui-ci par des chantiers de travaux des exploitants de réseaux de télécommunications. La Haute juridiction retient alors qu’en l’absence de réglementation particulière, l’autorité gestionnaire était bien compétente pour délivrer les permissions d'occupation temporaire de ce domaine et fixer le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation.
1 - Le rappel de la compétence de principe de l’autorité gestionnaire du domaine public pour fixer une redevance d’occupation de celui-ci
Une collectivité territoriale peut-elle, au titre de la compétence de gestion de la voirie, librement exiger des opérateurs de télécommunication le versement d’une redevance d’occupation de celle-ci lorsqu’ils y font exécuter des chantiers de travaux ?
Si la question peut sembler claire, les termes du débat s’apparentent davantage à un long exercice d’exégèse, mené depuis 2005 et enfin clos par le Conseil d’Etat dans une décision du 25 juin 2021.
En vue de l’accomplissement de leurs missions et de l’amélioration du service, les exploitants de réseaux de communications électroniques – de même que les concessionnaires de gaz et d’électricité – bénéficient d'un droit de passage sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier. Ce droit leur confère ainsi la faculté d'exécuter sur les voies publiques et leurs dépendances tous travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages, non sans générer parfois des désagréments temporaires.
A ce titre, la commune de Montpellier et à sa suite, la Métropole Montpellier Méditerranée, avaient exigé le versement d’une redevance d’occupation pour les chantiers de travaux de ces exploitants et émis une vingtaine de titres exécutoires à l’attention de la société Orange, annulés par les juges du fond.
Saisi par un pourvoi de Métropole Montpellier Méditerranée, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le principe constant suivant lequel en l'absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente pour délivrer des permissions d'occupation provisoire de ce domaine et pour fixer le tarif de la redevance due en contrepartie, en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de cette occupation (décision commentée, point 4).
En application de ce principe, une autorité gestionnaire est ainsi compétente pour fixer une redevance d’occupation du domaine public sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
En l’espèce, le débat portait ainsi sur le point de savoir si, en matière d’occupation de la voirie par des chantiers de travaux des opérateurs de télécommunication, il y avait lieu de retenir l’existence d’une « réglementation particulière » faisant obstacle à l’application de ces dispositions.
2 - En matière de communications électroniques, une réglementation particulière incomplète…
En l’espèce, ni l’autorité gestionnaire ni l’exploitant des réseaux de communications électroniques n’ignoraient l’existence d’une réglementation particulière s’agissant de l’occupation de la voirie par des ouvrages de télécommunication, notamment des fameux « droits de passage ».
A ce titre, l'article L. 113-3 du code de la voirie routière énonce que « (...) les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (...) peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre » et l’article L. 113-4 du même code prévoit que : " Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques ".
S’agissant plus particulièrement de la fixation d’une redevance, la Haute juridiction relève en premier lieu qu’il est prévu « qu’un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article et notamment le montant maximum de la redevance mentionnée à l'alinéa ci-dessus » (Code des postes et communications électroniques, article L. 47).
Or la réglementation applicable désignait le versement d’une redevance au titre de l'occupation permanente du domaine public routier par les fourreaux, câbles et autres ouvrages des opérateurs de communications électroniques, et non l’occupation temporaire résultant des chantiers de travaux.
3 - … et inexistante s’agissant des redevances exigibles pour les chantiers de travaux
La nuance est de poids, dès lors qu’en se fondant sur les dispositions précitées et sans distinguer entre occupations permanentes et occupations provisoires, la Cour administrative d’appel de Marseille avait commis une erreur de droit (décision commentée, point 7).
Les permissions de voirie, seules visées dans la réglementation particulière débattue, désignent en effet les emprises au sol permanentes, par opposition aux permissions de stationnement par essence temporaires.
A ce titre, le Conseil d’État a rappelé la solution adoptée pour les bungalows de chantier érigés sur la plâce Vendôme lors des travaux de l’hôtel du Ritz, aux termes de laquelle il énonçait que : « Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'installation du cantonnement de chantier le long de la façade de l'hôtel Le Ritz ait modifié l'assiette du domaine public routier. Dès lors, en l'absence d'emprise, l'occupation de ce domaine ne pouvait être autorisée, en application des dispositions précitées de l'article L. 113-2 du code de la voirie routière, que par un permis de stationnement et non par une permission de voirie. »
En l’espèce, la circonstance que les dispositions litigieuses mentionnent « les travaux nécessaires à l’entretien des réseaux » est sans incidence sur la portée qui leur était conférée par le gestionnaire du domaine, dès lors que ces derniers termes n’avaient pas pour objet de fixer une redevance.
Situé sur la même longueur d’onde que le gestionnaire, le Conseil d’État valide ainsi la faculté d’exiger le versement d’une redevance en raison des chantiers de travaux des opérateurs de communications électroniques et confirme, par suite, la facture salée de la société Orange.
Conseil d’Etat, 25 juin 2021, Montpellier Méditerranée Métropole, n° 441933.