Dans un arrêt en date du 20 juillet 2022 (n°457616, voir fichier joint), le Conseil d'Etat a été amené à répondre à la question de la qualification de contrat administratif ou non d'une convention d'occupation du domaine privé de l'Office National des Forêts (ONF).
Un contrat est qualifié de « contrat administratif » relevant de la compétence du juge administratif soit lorsque sa qualification est déterminée par la loi, soit dans le silence des textes, en fonction des critères jurisprudentiels édictés par les juges.
La jurisprudence a, donc, déterminé les critères de qualification cumulatifs suivants :
- Le contrat est conclu par, à minima, une personne publique
et
- Le contrat contient une clause exorbitante de droit commun ou a pour objet même l’exécution d’un service public.
La clause exorbitante de droit commun a été elle-même définie comme « la clause ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales »[1], puis comme celle « qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs »[2].
En sus, le juge a précisé par la suite que « la circonstance que le contrat litigieux, […] comporte des clauses conférant à la personne privée des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique »[3]
Elle remplit donc nécessairement les critères suivants :
- Elle satisfait un intérêt général,
- Elle confère à la personne publique des prérogatives ou des avantages exorbitants ou impose à la personne privée contractante des obligations ou sujétions exorbitantes,
- Elle bénéficie uniquement à la personne publique contractante.
A noter qu’une seule clause exorbitante du droit commun contenue dans le contrat permet de lui donner un caractère administratif.
En l’espèce, il s’agissait de déterminer si les clauses contenues dans la convention d’occupation du domaine privé conclue avec l’Office Nationale des Forêts constituaient des clauses exorbitantes du droit commun engendrant la compétence du juge administratif pour trancher le litige.
Le Conseil d’État répond par la négative en se fondant sur la jurisprudence Axa France IARD de 2014, pour conclure que la demande d’annulation de la résiliation de ladite convention relevait de la compétence du juge judiciaire, ne revêtant pas la qualité de contrat administratif.
Ainsi, il en ressort de cet arrêt que ne constitue pas une clause exorbitante du droit commun permettant de qualifier la convention d’occupation du domaine privé conclue avec une personne publique gestionnaire de ce domaine, de contrat administratif :
- ni la clause permettant à la personne publique de résilier la convention sans indemnité ni préavis en cas de cession de la parcelle concernée,
- ni la clause traitant de la remise en état du terrain par l’autorité publique aux frais l'occupant,
- ni la clause habilitant ses agents à contrôler la bonne exécution des obligations incombant au concessionnaire,
- ni la clause interdisant au concessionnaire d'élaguer, d'abattre ou d'enlever un arbre sans l'accord écrit de l'ONF, mais autorisant l'ONF à procéder lui à des coupes,
- ni la clause soumettant la plantation d'arbres à l'autorisation écrite de l’ONF.
La nouvelle question est donc de savoir quelles sont les stipulations contractuelles pouvant être reconnues comme exorbitantes si même une clause de résiliation sans indemnité et sans préavis ne l'est pas ?
[1] CE, Sect. 20 octobre 1950, Sieur Stein, n°98459
[2] Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, AXA France IARD, n°3963
[3] Tribunal des conflits, 2 novembre 2020, INRAP, n°4196