La saisine de plusieurs associations environnementales qui souhaitent voir annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 mars 2017 déclarant d’utilité publique la ligne 18 du Grand Paris Express ainsi que le décret du 14 janvier 2021 le modifiant et adoptant une déclaration d’utilité publique modificative a permis récemment au Conseil d’État de préciser, les modalités de réalisation de la contre-expertise effectuée dans le cadre de l’évaluation socio-économique de grand projet, elle-même conçue lors d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique afin de valider l’intérêt public dudit projet.
En effet, l'article 3 du décret du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d'évaluation des investissements publics pris en application de l'article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques, modifié par Décret n°2017-1705 du 18 décembre 2017, détermine l’obligation de réaliser une contre-expertise indépendante lorsque le financement du projet par L'État, ses établissements publics, les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire participant seuls ou de concert au financement d'un projet d'investissement atteint au moins 100 000 000 euros hors taxe et représente au moins 5 % du montant total hors taxe du projet d'investissement.
Lorsque le projet d'investissement est soumis à enquête publique, le rapport de contre-expertise et l'avis du secrétaire général pour l'investissement réalisés doivent alors être annexés au dossier d'enquête publique
Dans son arrêt n°450701 en date du 22 juin 2022, après avoir considéré que la demande d’annulation ne pouvait être fondée sur l’article L.122-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans la mesure où ces dispositions n’imposent pas une motivation formelle de la déclaration d’utilité publique elle-même, le Conseil d’État juge que, concernant la légalité de l’enquête publique, « L'obligation de contre-expertise trouve à s'appliquer non seulement pour un projet dont le montant de financement public dépasse les seuils ainsi fixés, mais aussi, en cas de modification d'un projet déjà autorisé, soit :
- lorsque la modification entraîne un dépassement des seuils de financement public prévus par cette disposition,
- soit lorsque la modification apportée porte elle-même sur des montants supérieurs à ces seuils ».
La déclaration d’utilité publique modificative 2021 de la ligne 18 entrant dans ce cas, elle rendait obligatoire la réalisation d’une nouvelle contre-expertise.
Néanmoins, malgré son absence dans le cas d'espèce, le Conseil d'État rejette la requête en annulation des associations environnementales et valide l'utilité publique du projet de la ligne 18 du Grand Express modifié.
En effet, il s’appuie sur la jurisprudence Danthony (arrêt du Conseil d’État n°335033 du 23 décembre 2011) pour juger des conséquences de l’absence de la contre-expertise sur la légalité de l’enquête publique, préalable à la décision attaquée.
Rappelons que cette jurisprudence pose le principe selon lequel un vice entachant la procédure administrative préalable à une décision ne l’entache d’illégalité que dans deux cas :
- ce vice de procédure a été de nature à influencer le sens de la décision prise,
ou
- ce vice a privé les intéressés à la décisions d’une garantie.
Ainsi, le Conseil d'État estime que l’évaluation socio-économique du projet de la ligne 18 présent dans le dossier d’enquête publique permettait une information suffisante du public, de telle sorte que l’absence de la contre-expertise et de l’avis du secrétaire général pour l’investissement dans ce dossier, tel que prévu par la loi, n’avait ni nui à l’information générale et ne les avait donc pas privés d’une garantie, ni influencé la décision querellée.