Dans un arrêt en date du 29 juin 2022[1], la Cour de Cassation juge que la garantie d’une compagnie d’assurance couvrant les dommages immatériels causés par le constructeur assuré au titre de sa responsabilité civile professionnelle après travaux est bien mobilisable.
En l’espèce, la compagnie d’assurance du constructeur d’une maison individuelle avait formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Saint Denis en date du 20 novembre 2020.
Ladite compagnie faisait notamment grief à la Cour de l’avoir condamnée in solidum avec l’assureur du sous-traitant à indemniser le maître d’ouvrage des préjudices matériels hors reprise de l’ouvrage, immatériels et moral.
Dans les faits, le constructeur avait souscrit auprès de la compagnie d’assurance auteur du pourvoi non seulement une assurance de responsabilité civile décennale, mais encore une assurance civile professionnelle après travaux.
Suite à l’apparition de fissures, le constructeur et son assureur avaient été assignés aux fins d’indemnisation.
La Cour d’Appel a condamné la compagnie d’assurance à indemniser la victime des dommages immatériels subis en se fondant, d’une part, sur les conditions générales du contrat d’assurance souscrit au titre de la responsabilité civile, qui prévoyait la garantie des conséquences financières de la responsabilité civile pouvant incomber au constructeur assuré suite à des erreurs de construction à condition que ces erreurs ait eu lieu dans le cadre d’un chantier lui-même couvert par une assurance responsabilité décennale et, d’autre part, sur le fait que les erreurs commises étaient bien à l’origine des désordres subis.
Pourvoi a donc été formé, la société d’assurance considérant que la garantie contractée au titre de la responsabilité civile ne s’appliquait pas au contrat de construction liant les parties et que la garantie décennale obligatoire ne s’étendait pas à la prise en charge des désordres immatériels.
Il s’agissait donc pour la Cour de cassation de statuer sur la prise en charge par l’assureur des dommages immatériels subis résultant d’une erreur de construction dont l’assuré a été déclaré responsable.
Pour rappel, les dommages immatériels sont de trois sortes :
- Les dommages immatériels consécutifs à un dommage corporel ou matériel garanti,
- Les dommages immatériels consécutifs à un dommage corporel ou matériel non garanti,
- Les dommages immatériels non consécutifs.
Ils revêtent la forme d’une perte financière pour la victime. Celle-ci étant difficilement évaluable, les compagnies d’assurance ont longtemps exclu la garantie de ce type de dommage.
Entre outre, les dommages immatériels consécutifs aux dommages matériels n’entrent pas dans le champ de la garantie décennale obligatoire, mais peuvent faire l’objet de garanties facultatives[2].
La Cour de cassation vient préciser le débat en jugeant, en l’espèce, que la Cour d’appel avait valablement justifié sa décision en ayant relevé, d’une part, que les conditions générales de la garantie facultative souscrite stipulaient que l’assureur garantissait l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers, après réception, par les travaux exécutés d’après les plans de l’assuré et résultant d’une erreur de conception, à condition que l’erreur ait été commise à l’occasion d’un chantier ayant fait l’objet d’une attestation nominative de garantie de responsabilité décennale et, d’autre part, en ayant relevé que ces erreurs étaient à l’origine des désordres immatériels consécutifs subis par le maître d’ouvrage.
Ainsi, la Cour pouvait légalement considérer que l’assureur devait garantir les dommages matériels, hors reprise d’ouvrage et immatériels subis par le propriétaire de la maison.
[1] C.Cass., 3ème civ. Formation restreinte, 29 juin 2022, pourvoi n°21-13.666
[2] Cass. civ. 3, 5 décembre 2019, n° 18-20.181