Par un arrêt du 19 avril 2024, la Cour administrative d’appel (CAA) de Nantes a autorisé une commune, n’ayant pas de compétences en matière d’énergies renouvelables (EnR) des suites d’un transfert de compétence, à participer au capital d’une société en matière d’énergies renouvelables (biogaz).
Cet arrêt vient contredire un jugement antérieur du Tribunal administratif de Rennes, en date du 25 janvier 2024, qui avait acté l’impossibilité pour une commune, dans une telle situation, après transfert de sa compétence en matière de transition écologique et énergétique (en l’espèce pour une société en matière photovoltaïque).
Autant de tensions et d’insécurités juridiques en matière d’action(s) des collectivités territoriales pour favoriser la production d’énergies renouvelables par le financement de projets (notamment participatif sur le fondement de l’article L.294-1 du Code de l’énergie).
Pour rappel, en principe les collectivités territoriales, et particulièrement les communes aux termes de l’article L.2253-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), n’ont pas, sauf dérogations (l’on pense particulièrement aux sociétés d’économie mixte locales/SEML et sociétés publiques locales/SPL) la possibilité de participer au capital de sociétés commerciales.
Néanmoins, l’article L. 2224-32 du CGCT, dans sa version en vigueur depuis la loi « Climat & Résilience » de 2021 (loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) dispose que « les communes, sur leur territoire, et les établissements publics de coopération, sur le territoire des communes qui en sont membres, peuvent, (…), aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter (…) toute installation de production d’énergie renouvelable ».
En ce sens, et plus expressément, le second alinéa de l’article L.2253-1 précité, prévoit une dérogation expresse au principe d’interdiction de la prise de participations dans des sociétés commerciales pour les communes en matière de « société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables (…) par des installations situées sur leur territoire ou, pour une commune, sur le territoire d'une commune limitrophe ou, pour un groupement, sur le territoire d'un groupement limitrophe ».
Dès lors, en dehors des participations au sein de SEML ou SPL « énergies », qui supposent de que ces sociétés concourent, par leur objet social, à au moins l’une des compétences de chaque collectivité territoriale membre (articles L.1522-1 et L.1531-1 du CGCT), se posait la question du champ d’intervention des collectivités territoriales, en dehors de ces structures, pour apporter leur soutien financier à la production d’énergie renouvelable par des sociétés commerciales sur le marché.
Question d’autant plus délicate lorsque la collectivité en question n’a plus la compétence en la matière (énergies renouvelables, production énergétique ou transition écologique et énergétique), après un transfert exclusif de compétence, notamment entre une commune à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ce qui devrait en principe dessaisir totalement la première au profit du second.
C’est dans ce contexte que la Cour administrative d’appel de Nantes a fait prévaloir une lecture des dispositions de l’article L.2253-1 à la lumière de celles de l’article L.2224-32 du CGCT, en considérant que « d’une part (…) il ressort des termes de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales que ce dernier (…) n'a pas entendu imposer que seules les collectivités ayant la compétence en matière d'énergies renouvelables en vertu de l'article L. 2224-32 du même code puissent participer au capital d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables (…) d'autre part, les dispositions de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales définissent des modalités d'intervention dans le champ économique et permettent l'intervention des communes et de leurs groupements ».
Dès lors, au contraire de celle du Tribunal administratif de Rennes, c’est une position bienvenue en ce qu’elle autorise en l’espèce la commune de Congrier (53800) à prendre des participations au capital d’une société de production de biogaz, et ce en dépit d’un transfert de compétences en matière de production d’énergie renouvelable à son Syndicat mixte.
Autrement dit, en dehors des cas spécifiques de SEML et SPL qui semblent exiger la compétence effective de la collectivité même en la matière, le transfert de compétences en matière d’EnR des communes à leur EPCI ne fait pas obstacle à la prise de participation, bien qu’ultérieure, desdites communes dans des sociétés commerciales en la matière.
Pour autant, compte tenu de l’enjeu et face aux débats sur le dessaisissement des communes en faveur de leur EPCI ainsi que la lecture plus ou moins combinée des dispositions du CGCT, il faudrait le projet de loi « PACTE 2 » soit l'occasion d'une simplification de l’action des collectivités territoriales pour que tous les acteurs, y compris les acteurs publics, puissent se mobiliser rapidement pour poursuivre la transition énergétique qui s’impose.
Il s'agit également de garantir aux collectivités, dans le cadre des principes constitutionnels de libre administration et d'autonomie, d'agir en complémentarité, malgré la logique des compétences d'attribution en vigueur depuis la loi NOTRe, dans des domaines stratégiques aux défis sociétaux majeurs induits par la nécessaire lutte contre le changement climatique.