Le Gouvernement précise (encore) les mesures de simplification des projets d’installations de production d’énergies renouvelables (EnR) et nucléaires.
Le décret n°2023-1366 du 28 décembre 2023, publié le 30 décembre 2023, vient fixer les seuils planchers de puissance au-dessus desquels ces projets seront réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) au sens de la dérogation « espèces protégées ».
Ce décret est pris en application de l’article L.211-2-1 du Code de l’énergie, créé par l’article 19 de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER), ainsi que de l’article 12 de la loi n°2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Pour rappel, ces dernières dispositions prévoient une présomption selon laquelle certains projets d’EnR et nucléaires, selon les puissances installées et le type de technologie, satisfont à la condition de la raison impérative d’intérêt public majeur au sens de la dérogation « espèces protégées ». Cette dernière dérogation prévoit en effet trois conditions cumulatives (article L.411-2 du Code de l’environnement) : le projet doit répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, il ne doit y avoir aucune autre solution alternative satisfaisante, le projet de ne doit pas nuire au maintien des populations concernées dans un état de conservation favorable.
Ainsi, les nouvelles dispositions introduites (nouvel article R.411-6-1 du Code de l’environnement et articles R.211-1 et suivants du Code de l’énergie) précisent les projets concernés par la présomption de la raison d’intérêt public majeur selon leur puissance prévisionnelle, qui sont :
- Les projets d’installation photovoltaïque d’une puissance supérieure ou égale à 2,5 mégawatts-crête (MWc), ou thermiques d’une puissance supérieure ou égale à 2,5 Mégawatts ;
- Les projets de parcs éoliens terrestres d’une puissance supérieure ou égale à 9 mégawatts (MW) ;
- Les projets de production de biogaz (issu de méthanisation) d’une puissance supérieure ou égale à 12 gigawatts-heures (GWh) de pouvoir calorifique supérieur par an ;
- Les projets d’installation de production hydroélectrique (centrales gravitaires et STEP) d’une puissance supérieure à 1 MW.
- Les projets de réalisation de réacteurs électronucléaires (y compris petits réacteurs modulaires/SMR) dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur d’une installation nucléaire de base existante (INB), d’une puissance thermique supérieure ou égale à 750 MW ou à 30 MW si, dans ce second cas, il s’agit d’un réacteur innovant ou d’un projet d’intérêt général ;
- Les projets d’installation d’entreposage de combustibles nucléaires d’une capacité d’entreposage supérieure à 500 tonnes d’uranium et de plutonium avant irradiation.
Cependant et en sus, un plafond, au-delà duquel les projets même d’une puissance dépassant les planchers précités ne seront pas présumés être d’intérêt public majeur, est prévu par le décret lorsque, à la date de la demande de dérogation « espèces protégées », la puissance totale du parc de production en France métropolitaine et continentale est supérieur à l’objectif maximal de puissance défini dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE, actuellement fixée par le décret du 21 avril 2020) !
L’applicabilité de cette présomption reste, en l’état, relativement limitée, étant donné, d’une part, qu’elle n’a vocation à s’appliquer qu’à ces projets énumérés et sur le seul territoire métropolitain continental et, d’autre part, que les développeurs devront tout de même démontrer que les deux autres conditions de la dérogation « espèces protégées », outre la RIIPM, sont satisfaites.
À noter que, pour l’heure, le Gouvernement et le législateur n’ont pas précisé si cette présomption de RIIMP est simple (c’est-à-dire susceptible d’être renversée par une démonstration contraire, notamment au contentieux) ou irréfragable (insusceptible d’être renversée ou contestée).
Le contentieux des dérogations aux espèces protégées pour les projets d’EnR, qui avait pourtant fait l’objet d’importantes précisions dans un avis du Conseil d’État (CE, 9 décembre 2022, avis n°463553), est donc loin d’être clos…