Issue d’un consensus trouvé ce dimanche 22 mars devant la commission mixte paritaire, la loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » crée un arsenal législatif destiné à surmonter la crise sanitaire majeure que notre pays traverse.
Si l’urgence imposait aux deux chambres de tomber rapidement d’accord, certains points d’achoppement n’ont pas permis d’obtenir un vote avant le week-end (sur l’organisation du deuxième tour des élections municipales ou bien sur le pouvoir conféré au gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire notamment).
Au final, les mesures adoptées relèvent de trois catégories distinctes :
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Création d’un « état d’urgence sanitaire » ;
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Urgence économique et adaptation à la lutte contre l’épidémie de COVID-19 ;
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Dispositions relatives à l’organisation des élections municipales ;
L’état d’urgence sanitaire :
Le premier point, sans doute le plus médiatisé, crée un « état d’urgence sanitaire » et le déclare dès à présent pour une durée de deux mois.
Le régime créé confère au gouvernement la possibilité de déclarer, sur tout ou partie du territoire, un « état d’urgence sanitaire », par décret en conseil des ministres pour une durée d’un mois. Il est nécessaire, pour le proroger, d’être autorisé par la loi après avis d‘un comité de scientifique.
Ne souhaitant pas avoir à nouveau à se réunir pour une éventuelle prorogation, le Parlement prend donc les devant et ouvre dès à présent cet « état d’urgence sanitaire » pour deux mois.
Dans ce cadre, le Premier ministre peut adopter de nombreuses mesures restreignant les libertés ; ces mesures doivent cependant être « proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ».
Elles ont pour objet : de restreindre ou interdire la circulation des personnes, interdire la sortie du domicile, ordonner des mesures de quarantaine, ordonner la fermeture de catégories d’établissements recevant du public, ordonner des réquisitions permettant de lutter contre la catastrophe sanitaire, adopter des mesures temporaires de contrôle des prix de produits rendus nécessaires, etc…
On retrouve ici pour l’essentiel les mesures prises par le gouvernement par décret depuis plusieurs semaines dans un cadre juridique incertain…
Les décisions précitées peuvent, également être adoptées par le ministre de la santé, dans le cadre de mesures individuelles et non collectives. De même, le Premier Ministre et le ministre de la santé peuvent habiliter les Préfets à prendre des mesures permettant d’appliquer ces dispositions.
Ces règles sont assorties de sanctions pénales en cas de non-respect : amende de 135 euros dans le cas d’un manquement, puis 1 500 euros en cas de récidive dans les 15 jours.
Au-delà de trois verbalisations en trente jours, les faits sont correctionnalisés : la peine maximale étant alors de 3 750 euros d’amende et de six mois d’emprisonnement.
Les agents de police la municipale peuvent constater et dresser les contraventions précitées.
Enfin, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, un comité de scientifique se réunit périodiquement et propose des mesures à adopter.
Urgence économique et adaptation à la lutte contre l’épidémie de COVID-19 :
Afin de permettre une intervention rapide du gouvernement dans des secteurs très variés pour lesquels l’activité est paralysée, le parlement habilite le gouvernement à agir par voie d’ordonnances.
Le gouvernement est habilité pendant trois mois à prendre des mesures. Toutefois, dans une grande partie des cas l’application n’est pas limitée à la seule période couverte par l’état d’urgence sanitaire (il en va notamment ainsi des modifications apportées au droit du travail).
Certaines sont directement destinées à la vie économique : autoriser le de versement d’aides directes aux entreprises ; modifier les obligations des entreprises à l’égard de leurs clients et de leur fournisseurs - notamment pour les contrats de vente de voyage, secteur très impacté - ; modifier les règles de passation et d’exécution des contrats de la commande publique ; reporter ou étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité pour les locaux professionnels.
D’autres ont pour objet de modifier le droit du travail : limiter les ruptures des contrats de travail ; renforcer le recours à l’activité partielle ; modifier les règles d’attribution des congés maladie ; permettre à un accord d‘entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, dans la limite de 6 jours ouvrables ; permettre aux employeur d’imposer ou modifier les jours de RTT ; permettre aux entreprises de secteurs nécessaires à la nation, de déroger aux règles d’ordre public sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical ; modifier les modalités de versement des sommes liées à l’intéressement ou à la prime de pouvoir d’achat.
Des habilitations doivent permettre d’assurer la continuité de la vie quotidienne dans des secteurs très variés : justice (par le biais de nombreuses prorogations de délais contentieux et de modification des règles de fonctionnement des juridictions), collectivités territoriales, (en modifiant les règles de fonctionnement, notamment pour permettre les délibérations à distance) universités, copropriété, etc.
Enfin, certaines mesures se veulent plus protectrices : prorogation de la trêve hivernale, interdiction de mettre fin à la prise en charge des mineurs isolés.
Dispositions relatives à l’organisation des élections municipales :
Le troisième et dernier point a vocation à organiser les élections municipales dans le contexte actuel : tenue du premier tour (plus de 30 000 conseils municipaux élus au complet à cette occasion) mais incertitude sur la date possible pour le second tour.
Les règles sur lesquelles le Sénat et l’assemblée ont trouvé un accord sont :
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Rapport du second tour en juin 2020 si la situation sanitaire le permet ; la date est fixée par décret le 27 mai 2020 au plus tard ; sur la base d’un rapport du comité scientifique rendu au plus tard le 23 mai 2020 ;
Déclarations de candidatures pour le second le mardi suivant le décret (soit le 2 juin en cas de décret pris le 27 mai) ;
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Si l’organisation d’un second tour est impossible avant la fin du mois de juin, les résultats du premier tour ne seront pas conservés et l’élection devra être refaite dans son entier ;
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Dans tous les cas, l’élection des conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour reste acquise ;
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Pour les conseils municipaux et communautaires élus au complet : tous les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour entrent en fonction à une date fixée par décret (au plus tard au mois de juin 2020 : elle devrait donc correspondre à la date du second tour) ;
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La première réunion du conseil municipal permettant d’élire le Maire se tient entre 5 et 10 jours après cette entrée en vigueur ; pour les conseils municipaux qui ont élus leur Maire entre le 20 et le 22 mars comme et qui ont pris adopté certaines délégations : leur délibération entre en vigueur à la date de l’entrée en fonction des conseillers municipaux ;
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Pour les conseils municipaux incomplets (commune de moins de 1000 habitants), les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction au lendemain du second tour ;
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Prorogation de la validité des mandats des conseillers municipaux et communautaires en exercice avant le premier tour ; les délégations attribuées sont prolongées ;
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Les candidats élus au premier tour sont destinataires des décisions prises par le conseil municipal sur le fondement de l’article L.2122-22 CGCT
Enfin, le gouvernement est habilité à prendre par ordonnances dans un délai d’un mois, les mesures relatives à l’organisation du second tour.