CE, 19 décembre 2024, n°490157 (voir fichier joint)
Suite à la constitutionnalisation du droit au silence des fonctionnaires en matière de sanction disciplinaire (décision QPC n°2024-1105 du 4 octobre 2024), le Conseil d’État a été amené à interpréter et faire application de ce nouveau droit dans une décision du 19 décembre 2024 (n°490157).
Par cette décision, le Conseil d’État est venu préciser l’application du droit au silence des fonctionnaires dans les procédures disciplinaires.
Dans cette affaire, un magistrat s’est vu sanctionné d’un déplacement d’office par le garde des Sceaux pour des manquements aux devoirs de loyauté, d’impartialité, de probité et de délicatesse. L’agent public demande l’annulation de cette sanction pour excès de pouvoir.
Le Conseil d’État débute son raisonnement par un rappel du cadre juridique du droit au silence en rappelant que ce dernier découle de l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen (DDHC).
Il poursuit en expliquant que l’agent public faisant l’objet d’une procédure disciplinaire ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans avoir été, préalablement, informé de son droit à se taire.
Le juge précise, en outre, que si la procédure disciplinaire a déjà été lancée et que dans un second temps seulement, l’agent est entendu, c’est aux enquêteurs de l’informer de son droit à se taire dès le début de la procédure.
Cependant, la juridiction administrative précise que hormis le cas d’un détournement de procédure, le droit à se taire ne s’applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentés par l’autorité hiérarchique et par les services d’inspection et de contrôle même si ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par des agents.
Le Conseil d’État apporte ensuite une limite au droit à garder le silence en ajoutant que l’absence de notification à l’agent de ce droit n’entraine pas nécessairement une irrégularité de la sanction et donc son annulation. En effet, si la sanction ne repose pas « de manière déterminante » sur les déclarations faites par l’agent en cause sans qu’il n’ait été notifié de son droit au silence, elle n’est pas entachée d’irrégularité.
Le Conseil d’État interprète donc limitativement ce droit et initie une jurisprudence casuistique basée sur une locution adverbiale floue : « de manière déterminante ».
En l’espèce, sur la question du droit au silence, le juge a constaté qu’il n’avait pas été notifié au magistrat en cause son droit au silence dès l’engagement des poursuites disciplinaires mais qu’il ressort des témoignages et éléments factuels que la sanction « ne se fonde pas de manière déterminante sur les propos qu’il a tenus dans le cadre de cette enquête ».
Dans cette affaire, le juge a donc estimé que la décision de sanction n’était pas entachée d’irrégularité.