Le Tribunal Administratif de Nancy, dans une ordonnance du 19 novembre 2024 (n° 2403213), rappelle qu'une offre ne respectant pas l'obligation de facturation des prestations publiques via Chorus Pro peut être jugée irrégulière. Une décision importante qui souligne la nécessité pour les candidats aux marchés publics de maîtriser les règles relatives à la facturation électronique
Dans un contexte de dématérialisation croissante des procédures administratives, le Tribunal Administratif de Nancy s'est récemment prononcé sur une question clé en matière de marchés publics : l'irrégularité d'une offre ne respectant pas l'obligation de facturation via Chorus Pro.
Le cadre règlementaire et légal : une obligation incontournable
Depuis l’entrée en vigueur progressive de la facturation électronique dans les marchés publics (ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 et décret n° 2016-1478 du 2 novembre 2016), les titulaires de marchés publics sont tenus d’émettre leurs factures via la plateforme Chorus Pro. Ce dispositif vise à simplifier et sécuriser les échanges entre les opérateurs économiques et les entités publiques.
Le non-respect de cette obligation peut entraîner des conséquences lourdes, comme en témoigne cette ordonnance du TA de Nancy.
Les faits de l’espèce :
Dans le cadre d'un appel d'offres lancé par une collectivité, l’un des candidats n’avait pas mentionné dans son dossier de réponse qu’il respecterait l’obligation de facturation électronique via Chorus Pro. En réponse à une demande de clarification de l’acheteur, l’entreprise avait confirmé son intention de facturer par d’autres moyens.
Considérant cette position comme contraire aux exigences du Code de la commande publique (et donc la législation en vigueur) et du cahier des clauses administratives particulières (CCAP, et donc des documents de la consultation), l'acheteur a écarté l’offre comme étant irrégulière sur le fondement de l'article L.2152-2 dudit Code. Saisi d'un recours par le candidat évincé par le biais d'un référé précontractuel, le Tribunal Administratif de Nancy a confirmé la décision de l’acheteur.
Les enseignements du jugement :
Une irrégularité "manifeste" :
Le tribunal a jugé que le non-respect de l’obligation de facturation via Chorus Pro constitue une irrégularité manifeste. En effet, l'exigence d'utilisation du portail Chorus Pro, sauf exceptions relatives à des impératifs de défense ou de sécurité nationale, découle directement des textes légaux et réglementaires applicables, que les opérateurs économiques doivent connaître et respecter (articles L.2192-5 et suivants et R.2192-3 et suivants du Code de la commande publique).
Elle était, en outre, rappelée explicitement par le CCAP et donc les documents de la consultation.
Inopposabilité des justifications tardives :
Les explications fournies par l’entreprise après le dépôt de son offre n’ont pas suffi à régulariser sa candidature. Le juge a rappelé qu’une offre irrégulière au moment de son dépôt ne peut pas être complétée après la date limite de réception des offres sauf volonté de régularisation (non obligatoire) de l'acheteur si la régularisation n'est pas substantielle.
Protection des principes fondamentaux :
Cette décision s’inscrit dans une logique de protection des principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Permettre à un candidat de ne pas se conformer à une règle obligatoire aurait rompu l’équité de la mise en concurrence.
Les implications pratiques pour les opérateurs économiques :
Cette décision invite les entreprises à être particulièrement vigilantes dans la préparation de leurs offres, notamment en ce qui concerne les obligations liées à la facturation électronique. Une simple omission ou une méconnaissance des règles peut entraîner l’éviction de leur offre, avec des conséquences économiques et stratégiques importantes, d'autant que l'acheteur n'est jamais contraint de régulariser ladite irrégularité.
Le jugement du Tribunal Administratif de Nancy est un rappel fort que la dématérialisation des échanges, loin d’être une simple formalité, s’impose comme une condition essentielle de la régularité des marchés publics. Les opérateurs économiques doivent non seulement s’assurer de leur conformité technique mais aussi démontrer leur capacité à respecter ces exigences dès la soumission de leur offre