Par une décision du 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel a consacré, de manière inédite, le droit des générations futures et des autres peuples à disposer de la capacité pour satisfaire à leurs besoins.
Sur ce même fondement, par une ordonnance du 7 novembre 2023, le Tribunal administratif de Strasbourg a suspendu une autorisation de stockage souterrain de déchets.
Après avoir d’ores et déjà donné une certaine invocabilité à son préambule, par la consécration comme objectif à valeur constitutionnelle (OVC) de la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres communs (Conseil constitutionnel, 31 janvier 2020, req. n°2019-823 QPC, Union des industries de la protection des plantes), ainsi qu’à son article 1er, par la qualification du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé comme une liberté fondamentale invocable en référé-liberté (CE, 20 septembre 2022, req. n° 451129, Lebon), les juges constitutionnels et administratifs continuent d’étendre l’effectivité des droits de la Charte de l’environnement de 2005.
Dans sa décision du 27 octobre dernier, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’encontre des dispositions législatives encadrant le stockage en couches géologiques profondes des déchets radioactifs dans le cadre du projet CIGEO à Bure (article L.542-10-1 du Code de l’environnement), a consacré, sur le fondement de l’article 1er de la Charte de l’environnement sur le droit de vivre dans un environnement sain ainsi que du septième alinéa de son préambule, l’obligation pour le législateur de veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins en préservant leur liberté de choix à cet égard.
Le grief soulevé par l’association requérante portait, plus précisément, sur l’absence de garantie quant à la réversibilité du stockage, au-delà d’une période de cent ans.
Pour autant, pour déclarer conforme à la Constitution les modalités de création de l’installation de stockage par enfouissement réversible des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue, à l’aune du droit des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, les juges de l’Aile Montpensier vont constater que le législateur a garanti :
- Une exigence réversibilité pendant une durée minimale de cent ans, laissant une liberté de choix aux générations futures de continuer ou non la construction du centre, notamment par une participation du public, tout en évitant de leur reporter la charge de la gestion de ces déchets nucléaires (possibilité de renoncer à une nouvelle couche successive ou de récupérer les déchets déjà enfouis etc.) ;
- Des conditions permettant de protéger l’environnement et la santé contre les risques de dissémination des substances radioactives, notamment via l’autorisation particulière nécessaire s’appuyant sur des études et ayant fait l’objet d’un débat public ainsi que de différents rapports et avis sur la sûreté du centre (commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs, Autorité de sûreté nucléaire, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) après une mise en service pour une phase pilote.
Sur ce même fondement du droit des générations futures à satisfaire leurs propres besoins, le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg, saisi d’une demande en référé-suspension à l’encontre d’un arrêté préfectoral prolongeant une autorisation de stockage souterrain couches géologiques profondes de produits industriels dangereux non radioactifs pour une durée illimitée (site de Stocamine et des Mines de Potasse d’Alsace) à Wittelsheim, a suspendu ledit arrêté.
C’est dans ce cas en raison de l’absence de garantie de réversibilité des travaux, imminents, pour la création d’un nouveau bloc de confinement, que le juge a considéré que la condition d’urgence était remplie.
C’est, surtout, en ce que la décision était susceptible de méconnaître le droit des générations futures précédemment évoqué que le juge des référés a considéré qu’il y avait un doute sérieux quant à la légalité de la décision pour prononcer la suspension provisoire de l’arrêté de confinement définitif des déchets.
Moralité juridique : il ne sera pas besoin d'attendre 100.000 ans pour voir les effets du renforcement constitutionnel du droit de l'environnement