Conseil d’État, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, req. n°426763.
Le Conseil d’État a récemment précisé qu’«une candidature doit être regardée comme incomplète, au sens de l'article 23 du décret du 1er février 2016, quand bien même elle contiendrait les pièces et informations dont la production est obligatoire en application des articles 19, 20 et 21 de ce décret, dès lors qu'elle ne respecte pas les exigences fixées par le règlement de la consultation relatives au mode de transmission de ces documents, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles ».
Ainsi :
- Une candidature doit respecter toutes les exigences du règlement de la consultation et non uniquement celles relatives au contenu du dossier de candidature.
- Une candidature peut être rejetée comme étant incomplète si elle ne respecte pas toutes les exigences du règlement de la consultation alors même qu’elle respecte celles relatives à la liste des pièces devant être remises par les candidats.
- Il n’en va différemment que si l’exigence méconnue est « manifestement dépourvue de toute utilité pour l'examen des candidatures ou des offres ».
Dans le cas soumis au Conseil d’Etat, le règlement de la consultation exigeait que le dossier de candidature soit remis sous format papier et qu’il soit accompagné d’une copie de sauvegarde sur clé USB.
La société requérante qui avait remis un dossier complet de pièces en version papier n’avait toutefois pas transmis une copie de sauvegarde ou plutôt, avait remis un CD-ROM qui s’est avéré vide à l’ouverture.
L’arrêt admet que ce simple élément ait pu fonder le rejet de sa candidature pour incomplétude dès lors que l’exigence de l’autorité concédante était requise pour permettre une analyse des candidatures dans des délais contraints.
C’est sur ce dernier point que la solution mérite d’être discutée dès lors qu’il est difficile de comprendre en quoi la remise d’un dossier papier retarderait l’analyse et empêcherait de s’assurer rapidement que le candidat dispose des capacités et aptitudes nécessaires à l’exécution du contrat de concession.
Il faut donc probablement admettre que rares seront les exigences du règlement de consultation jugées « manifestement » dépourvues de « toute » utilité pour l’examen des candidatures et dont la méconnaissance n’emportera pas le rejet de la candidature. Au vu de l’appréciation souple retenue de cette utilité, le non-respect du nombre d’exemplaires du dossier de candidature ou encore du format informatique des fichiers auquel les documents remis par voie dématérialisée doivent répondre pourrait suffire à écarter un candidat.
Par ailleurs, à la lecture de l’arrêt, l’on peut légitimement supposer qu’aucune invitation à compléter sa candidature n’a été adressée à la société requérante en application du I de l’article 23 du décret n°2016-86 du 1erfévrier 2016 relatif aux contrats de concession alors applicable (devenu l’article 3123-20 du code de la commande publique).
Bien que cette régularisation ne soit qu’une faculté (à l’instar de la solution rendue s’agissant de la régularisation des offres), l’absence d’une telle demande en l’espèce semble particulièrement rigoureuse pour le candidat ayant vraisemblablement remis un CD-ROM vide, par erreur.
Pas certain non plus qu’elle serve les intérêts de l’autorité concédante qui, ce faisant, a pu se priver d’une offre de qualité.
Mathilde FOGLIA et Nicolas CHARREL, Avocats associés
Cabinet CHARREL & Associés, Paris, Montpellier, Marseille