Dans une décision en date du 26 juillet 2022, le Conseil d’État a élargi le champ d’application du permis de construire modificatif, qui peut désormais valablement être délivré « dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas [au] projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
En l’espèce, le requérant avait formé un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté de permis modificatif d’un permis de construire accordé en vue de construire un ensemble immobilier de trois logements et contre la décision implicite de refus du maire de retirer cet arrêté.
Sa requête ayant été rejetée par le Tribunal Administratif, il s’est pourvu en cassation au motif que ce dernier aurait dénaturé les pièces du dossier en jugeant que les modifications apportées avaient pu faire valablement l’objet d’un permis modificatif.
Le rapporteur public, dans ses conclusions, relève l’opportunité ici pour le Conseil d’État de « revisiter la définition du champ matériel du permis de construire modificatif » et c’est ce qu’il va faire.
Le Conseil d’Etat avait considéré, dans un arrêt en date du 26 juillet 1982[1], que les modifications projetées qui sont sans influence sur la conception générale du projet initial peuvent faire l’objet d’un permis modificatif et ne nécessitent pas l’octroi d’un nouveau permis.
Dans sa décision du 1er octobre 2015[2], le Conseil d’État avait considéré qu’« un tel permis modificatif ne peut être délivré que si, d’une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés – sans que la partie intéressée ait à établir devant le Juge l’absence d’achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d’instruction en ce sens – et si, d’autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d’illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale ».
Le permis de régularisation pouvait, quant à lui, être accordé dans des conditions différentes.
Un tel permis peut intervenir conformément à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, qui dispose que « Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé », L.600-5-1 du même code disposant quant à lui que « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ».
Dans son avis du 2 octobre 2020[3], le Conseil d’Etat a confirmé qu’un permis de régularisation peut valablement être délivré, « même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
Dans un arrêt en date du 17 mars 2021[4], il a confirmé cette solution, en jugeant qu’« un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé en vertu de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même ».
La jurisprudence opérait donc une distinction entre le permis modificatif – qui pouvait être délivré si les modifications apportées au projet ne remettaient pas en cause la conception générale du projet initial – et le permis de régularisation – qui ne doit pas bouleverser le projet au point d’en changer la nature même.
Le Conseil a, dans l’arrêt commenté du 26 juillet 2022, aligné le champ d’application du permis modificatif avec celui du permis de régularisation, qui intervient à l’occasion d’un recours juridictionnel, en jugeant que le permis modificatif peut intervenir « dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
La validité d’un permis de construire modificatif est donc retenue dès lors que deux conditions cumulatives sont réunies :
- La construction que le permis initial autorise concernée par les modifications ne doit pas être achevée,
- Les modifications autorisées ne doivent pas bouleverser la nature même du projet.
En retenant ce critère du bouleversement de la nature même du projet initial, le Conseil d’Etat unifie donc le champ matériel du permis modificatif et du permis de régularisation, contribuant à la simplification actuellement recherchée du contentieux de l’urbanisme.
[1] Conseil d'Etat, Section, du 26 juillet 1982, 23604, publié au recueil Lebon
[2] Conseil d'État, 6ème - 1ère SSR, 01/10/2015, 374338, Publié au recueil Lebon
[3] Avis n° 438318 du 2 octobre 2020
[4] Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies,17/03/2021, 436073