Simplifier l’articulation dans la hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme !
C’était l’un des objectifs de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite « Loi ELAN ».
Ainsi, l’article 46 de la loi ELAN habilitait le gouvernement à agir par voie d’ordonnance afin d’atteindre l’objectif de « limiter et simplifier les obligations de compatibilité et de prise en compte pour les documents d’urbanisme », et ce, dans un délai de 18 mois à compter la promulgation de la loi.
Dix-neuf mois après cette promulgation – la crise sanitaire ayant permis une suspension du délai initial – c’est par le biais de deux ordonnances du 17 juin que le gouvernement s’acquitte de cette tâche.
La première ordonnance, n°2020-744 du 17 juin 2020, est « relative à la modernisation des schémas de cohérence territoriale » (voir nos commentaires dans la 1ère partie du décryptage : https://charrel-avocats.com/actualite/modernisation-des-scot-et-rationalisation-de-la-hierarchie-des-normes-les-derniers), la seconde, n°2020-745 du 17 juin 2020, a trait à la « rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d’urbanisme. »
Il sera ici détaillé les contours de la hiérarchie des normes « rationnelle » telle qu’issue de la première ordonnance précitée.
Le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance commentée rappelle que : « Selon les territoires, jusqu'à vingt documents peuvent devoir être examinés par les collectivités territoriales et les élus au moment de l'élaboration de leurs documents d'urbanisme. »
A l’évidence, « Ce nombre de documents ainsi que les différences de portée juridique suivant le document concerné, rend complexe l'élaboration des documents d'urbanisme et crée de l'insécurité juridique pour les collectivités territoriales. »
« L'objectif poursuivi par cette ordonnance est de faire du SCOT un exercice moins formel, plus politique, et de faciliter la mise en œuvre du projet territorial ainsi que le passage à l'action. »
« Les travaux mis en œuvre pour simplifier l’articulation des différents documents entre eux ont permis de dégager cinq évolutions » :
- Réaffirmation du rôle du SCoT,
- Modification de l’opposabilité des documents sectoriels aux documents d’urbanisme,
- Remplacement du lien de « prise en compte » par le lien de « comptabilité » pour la majeure partie des documents,
- Rationalisation des procédures de mise en comptabilité,
- Introduction de la « note d’enjeux »,
1. La réaffirmation du rôle du SCoT
Le Rapport au Président de la République souhaite réaffirmer le rôle du SCoT en tant que « document intégrateur de toutes les politiques sectorielles ayant un rôle en urbanisme ».
A cet égard, le spectre des dispositions et documents avec lesquels le SCoT doit être compatible s’élargit :
- Aux dispositions particulières de la loi littoral et des zones de montagnes, sans qu’il soit besoin que ces règles aient été précisées par une Directive territoriale d’aménagement (DTA) ;
- Aux règles générales du fascicule des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET),
- Aux objectifs de protection et les orientations des chartes des parcs nationaux prévues à l'article L. 331-3 du code de l'environnement ;
- Aux schémas régionaux des carrières prévus à l'article L. 515-3 du code de l'environnement ;
- Aux objectifs et dispositions des documents stratégiques de façade ou de bassin maritime prévus à l'article L. 219-1 du code de l'environnement ;
- Au schéma départemental d'orientation minière en Guyane prévu à l'article L. 621-1 du code minier ;
- Au schéma régional de cohérence écologique ;
- Au schéma régional de l'habitat et de l'hébergement ;
- Au plan de mobilité d'Ile-de-France prévu à l'article L. 1214-9 du code des transports ;
La logique étant d’élargir le rapport de compatibilité du SCoT aux documents qui s’imposaient au PLU.
Dès lors qu’il existe un SCoT, le PLU doit être compatible avec ce document, ce qui exclut donc l’obligation de se conformer à l’ensemble des autres documents sectoriels excepté pour le SMVM, les plans de mobilités, les programmes locaux de l’habitant et le plan climat air énergie.
A contrario, lorsqu’il n’existe pas de SCoT, le PLU entretient les mêmes rapports d’opposabilité que le SCoT : il doit être compatible avec les documents avec lesquels doit être compatible le SCoT et prendre en compte les documents pris en compte par le SCoT.
2. La modification de l’opposabilité des documents sectoriels aux documents d’urbanisme
De manière plus large, l’opposabilité des documents sectoriels aux documents d’urbanisme est modifiée :
- Les « schémas départementaux d’accès à la ressource forestière » ne sont plus pris en compte.
Les PLU, documents en tenant lieu et cartes communales doivent être compatibles :
- Avec le plan climat air énergie territorial (et non plus prise en compte)
- Avec les plans locaux de mobilité pour la région IDF
3. La rationalisation des procédures de mise en compatibilité
La mise en compatibilité du SCoT et du PLU avec les documents auxquels ils doivent se conformer s’effectue désormais tous les trois ans.
Ainsi, lorsqu’un document évolue, il n’est pas nécessaire d’opérer une mise en compatibilité au cas par cas.
En revanche, à l’expiration du délai de trois ans, l’établissement public compétent recense l’ensemble des évolutions et délibère sur le maintien du document tel qu’il existe ou sur sa mise en compatibilité.
Le même mécanisme existe dans le cadre d’une mise en compatibilité PLU / SCoT mais, dans ce cas, il convient de délibérer au plus tard un an après l’entrée en vigueur du SCoT.
Enfin, ces procédures de mise en compatibilité peuvent désormais s’opérer par le biais de modification simplifiée.
4. L’introduction de la « note d’enjeux »
Généralisant une pratique existante, l’ordonnance prévoit désormais la possibilité, pour les services de l’État de rédiger une « note d’enjeux ».
Le rapport au Président décrit l’intérêt et le contenu de cette note ainsi qu’il suit :
« Par cette note, le représentant de l'Etat dans le département transmet aux auteurs des SCoT et des PLU intercommunaux, indépendamment de son porter à connaissance, un exposé faisant état des enjeux qu'il identifie sur leur territoire et que le document d'urbanisme est appelé à traduire. Ce document permet de renforcer le dialogue entre l'Etat et la collectivité en amont de l'élaboration du document d'urbanisme. Elle favorise la compréhension partagée des enjeux issus des différents documents opposables au document d'urbanisme et permet à l'Etat d'exprimer les enjeux qu'il identifie, en une seule fois, à l'amont de l'élaboration du document. L'auteur d'un SCoT ou d'un PLUi pourra demander à l'Etat de formaliser une note d'enjeu en phase amont de l'élaboration ou de la révision de son document. Cette note, outil d'échange et de dialogue entre l'Etat et l'auteur du document, n'a pas vocation à constituer un acte de procédure de l'élaboration du document d'urbanisme ni à avoir de portée juridique contraignante, y compris vis-à-vis de l'Etat, qui exercera son contrôle de légalité sans lien avec le contenu de cette note. »