A situation exceptionnelle, droit d'exception.
Ainsi, sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 concerne l'adaptation nécessaire du droit de commande publique.
Pour l'essentiel, cette ordonnance donne le fondement juridique au bon sens déjà souvent appliqué par les acheteurs dans leurs relations avec les opérateurs économiques. Elle permettre de redonner du sens à certains écarts constatés liés probablement à la difficulté de sortir d'un état de sidération et de déni de la gravité des évènements.
1 - Catégorie de contrats concernés : pour les contrats relevant du code de la commande publique, mais aussi les autres "contrats publics" n'en relevant pas.
2 - Période d'effet : pour les contrats en cours ou conclus à partir du 12 mars 2020 et jusqu'à 2 mois après la fin de l'état d'urgence (en principe le 24 juillet 2020 : 2 mois à compter de la date de parution de la loi du 23 mars + 2 mois = 24 mars => 24 mai => 24 juillet).
3 - Condition de mise en oeuvre : démonstration d'un lien de causalité au regard des mesures prises pour faire face aux conséquences de la propagation du covid19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, ce que soit en période de passation ou d'exécution des contrats.
4 – Prolongation de la durée de la consultation : sauf si le contrat porte sur des prestations qui ne peuvent « souffrir d’aucun retard », l’acheteur doit (et non peut) prolonger les délais de réception des candidatures et des offres « d’une durée suffisante » pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner. L’acheteur devra donc en fonction de considérations propres à chacune des consultations, reporter la date de remise des candidatures et/ou des offres, étant rappelé que si des offres ont déjà été déposées, le soumissionnaire dispose de la possibilité de déposer une nouvelle offre, seul le dernier dépôt sera pris en compte.
5 - Aménagement des dossiers de consultation : adaptation possible sous réserve de veiller à l'égalité de traitement des candidats. A notre sens, cela signifie qu’il ne sera pas possible de modifier des éléments concernant les critères. En revanche, outre le report de la date limite de remise des candidatures ou des offres, il sera envisageable d’allonger la période de validité des offres (sous réserve de l’accord de l’ensemble des soumissionnaires), voire modifier à la marge la nature des documents demandés. Il est également envisageable de modifier des stipulations administratives ou techniques des cahiers des clauses administratives ou techniques particulières notamment pour augmenter le montant de l’avance ou encore modifier les délais d’exécution.
6 - Prolongation par avenant : les contrats arrivés (et arrivant ?) à terme pendant la période d'urgence sanitaire peuvent être prolongés "par avenant" (et donc non pas par ordre de service). Pour les accords-cadres dont la durée est limitée, la prolongation peut entrainer un dépassement de la durée maximale de validité du contrat. Dans le cas des concessions à durée limitée, l'ordonnance autorise d'excéder cette durée sans consultation de la DDFIP. Attention : la période de prolongation est encadrée par d'une part la durée de la période d'état d'urgence prévue à l'article 1er (fin de l'état d'urgence + 2 mois) et d'autre part "par la durée nécessaire à la remise en concurrence". S’agissant de cette dernière notion, on pourra s’interroger sur le point de savoir si cette durée doit être appréciée in abstracto ou in concreto en fonction de chaque acheteur et en prenant en compte l’objet du marché et bien entendu ses caractéristiques intrinsèques.
Pour mémoire, la prolongation par avenant d’un contrat n’est possible que durant la période de validité des contrats, donc avant qu’il soit arrivé à échéance. S'il n’apparaît donc pas possible, en principe, de conclure un avenant portant sur un marché dont la durée est déjà expirée, par exception dans cette situation de crise, il serait donc envisageable de conclure un avenant même après expiration du contrat, ce qui n'est pour le moins pas orthodoxe. Il conviendrait toutefois d'examiner les conditions de passation de conventions provisoires que la jurisprudence autorise déjà.
Enfin, la conclusion de l’avenant pourrait rendre nécessaire l’intervention préalable de la CAO. Or, rien n’est prévu par les ordonnances pour aménager cette obligation, ce qui nous semble considérablement critiquable et risque de faire obstacle à la mise en œuvre de ces dispositions pour certains acheteurs et certains marchés. Sauf à mettre en place des dispositifs de "régularisation" a posteriori, ou d'organiser plus largement des réunions en visio-conférence que la lettre des textes n'autorise certes pas, mais n'interdit pas non plus. Question de droit souple...
7 - Augmentation de l'avance : possibilité de l'augmenter à 60 % du montant du marché ou du bon de commande et sans exiger la constitution d’une garantie à première demande. Cela suppose néanmoins, la conclusion préalable d’un avenant si le marché est en cours.
8 - Mesures pour l'exécution du contrat nonobstant toute disposition contraire sauf plus favorable =
- Sur demande du titulaire du contrat avant l'expiration du délai d'exécution : en cas d'impossibilité de respect des délais d'exécution ou des obligations contractuelles (nécessité de moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive) : prolongation de la durée au moins équivalente à 4 mois et 14 jours (délai correspondant à la période visée à l'article 1er de l'ordonnance). Il nous semble que dans la mesure où cette modification n’est pas prévue dans les CCAG, elle devra faire l’objet d’un avenant.
- En cas d'impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat, notamment lorsqu’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive :
- absence de sanction et absence de responsabilité contractuelle ; – toutefois, cette précision constitue plus un affichage qu’une réelle règle puisqu’en l’absence de retard imputable au titulaire ou en présence d’une prolongation des délais d’exécution, les pénalités de retard ne sont en tout état de cause pas applicable ;
- possibilité de conclure un marché de substitution pour les besoins ne pouvant souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d'exclusivité, et sans responsabilité contractuelle de l'acheteur, ni aux frais et risques du titulaire empêché.
- Indemnisation du titulaire des dépenses engagées d'un marché ou bon de commande résilié du fait de l'état d'urgence sanitaire
- Règlement d'un marché forfaitaire dont l'exécution est suspendue, selon les modalités et montants prévus au contrat ; un avenant de régularisation sera nécessaire.
- Suspension du règlement du concédant lorsqu'un concessionnaire a été conduit à suspendre l'exécution du contrat, une avance au concessionnaire sur les sommes qui lui seraient dues est également possible.
- Indemnisation du concessionnaire en cas de suspension de la concession entraînant des modifications significatives des modalités d'exécution : compensation des surcoûts de l'’exécution, même partielle, du service ou des travaux, lorsque la poursuite de l’exécution de la concession impose la mise en œuvre de moyens supplémentaires qui n’étaient pas prévus au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire. Il nous semble qu’il s’agit là d’une sorte d’aménagement de l’imprévision.
Toutes ces dispositions seront donc à mettre en oeuvre par les entreprises et les acheteurs publics au cas par cas, selon les différentes situations rencontrées.
En cas de difficulté, n'hésitez pas à nous contacter à l'adresse dédiée pour cette période d'urgence sanitaire et du même coup, juridique : urgencejuridique@charrel-avocats.com
Notre équipe et ses partenaires mettront tout en oeuvre pour répondre aussi efficacement et rapidement que possible.
Documentation :
- Rapport au Président de la République sur l'ordonnance Commande publique