Par un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour Européenne des Droits de l’Homme valide le principe de la jurisprudence Czabaj[1]. Cette dernière admet la possibilité d’attaquer un acte administratif individuel ne mentionnant pas les voies et les délais de recours, ou le faisant de manière incomplète pendant une durée raisonnable d’un an. Cette jurisprudence avait été prise sur le fondement du principe de sécurité juridique qui fait obstacle à une contestation sans délai d’une décision.
En revanche, l’arrêt de la CEDH censure l’application immédiate de cette jurisprudence de principe au motif qu’elle constituerait un risque d’insécurité juridique trop élevé pour les justiciables.
Les deux jurisprudences se fondent paradoxalement sur le même principe, l’une pour censurer l’application de l’autre.
L’application immédiate de la jurisprudence est alors jugée contraire à l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l’homme consacrant un droit au procès équitable et constituerait un déni de justice pour les requérants. L’inconventionnalité de l’application immédiate est ainsi prononcée :
"La Cour considère que l’application aux instances en cours de la nouvelle règle de délai de recours contentieux, qui était pour les requérants à la fois imprévisible, dans son principe, et imparable, en pratique, a restreint leur droit d’accès à un tribunal à un point tel que l’essence même de ce droit s’en est trouvée altérée".
Cet arrêt énonce donc qu’en cas de revirement de jurisprudence, un délai de prévenance doit s’appliquer pour ne pas porter atteinte aux droits de la défense et au principe de sécurité juridique.
Cette jurisprudence n’est pas sans impact pour les futurs revirements : ils doivent alors pouvoir être anticipés par les requérants qui seraient prévenus par une jurisprudence antérieure.
Pour les contentieux pendants et susceptibles de recours devant la CEDH pour lesquels le motif d’irrecevabilité de la requête avait été accepté pour délai tardif, il sera censuré si le litige a eu lieu peu de temps après la décision Czabaj, au motif que le délai de recours ne pouvait pas être anticipé.
Ainsi, c’est la notion entière de revirement de jurisprudence qui semble chamboulée par cet arrêt dans ses modalités de mise en oeuvre.
[1] CE Ass, 13 juillet 2016, n° 387763.