Après l’entrée en vigueur des lois organique et ordinaire du 21 mars 2022 transposant la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte le 1er septembre 2022, le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte est paru au journal officiel et s’applique depuis le 5 octobre 2022.
Celui-ci, pris en application de l’article 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, abroge le décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 et vient fixer les modalités de signalement des lanceurs d’alerte.
Selon l’article 6 de cette même loi, « Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
Procédure interne relative aux signalements (article 1 à 8 du décret du 3 octobre 2022) :
Selon le décret du 3 octobre dernier, les entités mentionnées à l’article 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 doivent définir une procédure interne à suivre pour recueillir et traiter les signalements, après avoir consulté pour avis les instances de dialogue social. Cette procédure doit garantir l’intégrité et la confidentialité du lanceur d’alerte. Elle est diffusée « par tout moyen assurant une publicité suffisante ».
A noter que cela concerne :
- « Des personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l'exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;
- Des administrations de l'Etat ;
- Des personnes morales de droit privé et entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés ;
- de toute autre entité relevant du champ d'application des actes de l'Union européenne mentionnés au B de la partie I et à la partie II de l'annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union ;
- des autorités compétentes au sens du 1° de l'article 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».
Celles-ci doivent donc définir les personnes ou services compétents pour recueillir et traiter les données avec un « référent déontologue » et instaurer un « canal de réception de signalement » permettant d’effectuer les signalements, ainsi que tout élément les étayant, par écrit et/ou à l’oral, anonyme ou non. Il peut être prévu que ce canal soit géré pour son compte par un tiers. De même, les entités de mois de 250 salariés peuvent mutualiser ce canal de réception ainsi que le traitement des faits recueillis.
Dans le cas d’un signalement oral, et sur la demande du lanceur d’alerte un rendez-vous en présentiel ou par visioconférence est organisé au plus tard 20 jours ouvrés après sa demande. Dans tous les cas, le signalement oral est consigné par enregistrement ou par procès-verbal retraçant la conversation. Ceux, ci sont conservés le temps du traitement du signalement.
La procédure interne définit également les suites données aux signalements qui ne rempliraient pas les conditions légales.
Lorsque le signalement peut concerner une autre entité, le lanceur d’alerte est invité à lui signaler également. Dans le cas contraire, aucun tiers ne peut avoir accès aux signalements effectués.
Un complément d’information peut être sollicité au stade du recueil et du traitement du signalement.
Ensuite, 2 hypothèses :
- Les faits signalés semblent avérés : le lanceur d’alerte est informé par écrit « dans un délai raisonnable n'excédant pas trois mois à compter de l'accusé de réception du signalement ou, à défaut d'accusé de réception, trois mois à compter de l'expiration d'une période de sept jours ouvrés suivant le signalement » des mesures prises pour en contrôler la véracité ou pour y remédier,
- Les faits signalés sont inexacts ou non fondés : clôture de la procédure.
Procédure de signalement par des autorités externes (article 9 à 14 du décret du 3 octobre 2022) :
Ces entités doivent également définir la procédure qui s’appliquera aux signalements par des autorités externes.
De la même manière que la procédure interne, un canal de réception est organisé.
Il doit être accusé réception du signalement « dans un délai de sept jours ouvrés à compter de cette réception, à moins qu'il n'y ait expressément renoncé ou que l'autorité ait des motifs raisonnables de croire qu'accuser réception du signalement compromettrait la confidentialité de l'identité de son auteur ».
Le lanceur d’alerte doit préciser s’il en a informé le niveau interne.
L’entité qui a vérifié sa compétence en amont, procède au traitement des données et informe le lanceur d’alerte de toutes les étapes de procédure. La procédure est ensuite similaire à la procédure interne.
Chaque entité édite une page spécialement prévue à cet effet sur son site internet. Informative, celle-ci mentionne :
- l’existence de procédures internes de recueil et de traitement des signalements, en invitant les auteurs de signalement qui remplissent les conditions pour y avoir recours à procéder à un signalement interne lorsqu'ils ne sont pas exposés au risque de faire l'objet de l'une des mesures de représailles,
- les conditions et modalités pratiques pour bénéficier des mesures de protection,
- la nature et le contenu des signalements dont elle peut être saisie,
- les coordonnées permettant de lui adresser des signalements,
- la procédure de recueil et de traitement des signalements qu'elle a établie,
- le régime de confidentialité applicable,
- la nature des mesures pouvant être prises pour évaluer l'exactitude des allégations formulées,
- les recours et procédures permettant de protéger les auteurs de signalement,
- les explications sur les conditions d'irresponsabilité en cas de signalement ou de divulgation publique,
- les coordonnées du Défenseur des droits.
Le décret prévoit également qu’un rapport soit adressé chaque fin d’année au Défenseur des droits, celui-ci retraçant les signalements intervenus, leurs suites et résultats, le délai de traitement, les moyens mis en œuvre et éventuellement les difficultés rencontrées.
Cette procédure est réexaminée nécessairement tous les 3 ans pour assurer la protection des lanceurs d’alerte.