En décembre 2019, le groupe hospitalier du sud de l'Ile-de-France (GHSIF) a conclu avec un groupement conjoint un marché d'assurance responsabilité civile et risques annexes pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2020.
Après avoir été informé par une entreprise membre du groupement de son intention de résilier le marché d’assurance civile à compter du 31 décembre 2021, le GHSIF a signé un avenant pour lui substituer un autre prestataire pour la durée restant à courir du marché.
C’est dans ce contexte que, la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM) a demandé au juge des référés d’annuler l’avenant conclu entre le GHSIF et la société Bureau européen d’assurance hospitalière (BEAH), lequel a rejeté sa demande.
1 - La première question ainsi soulevée devant la Haute Juridiction était de savoir si en cours d’exécution du marché, il était possible de remplacer par avenant un des membres du groupement conjoint suite à son retrait et ce, sans nouvelle mise en concurrence.
Après avoir rappelé les exceptions dans lesquelles il est possible de procéder à des modifications en cours d’exécution du contrat sans nouvelle procédure de mise en concurrence, le Conseil d’État juge que « la substitution, au cours de l’exécution d’un marché passé avec un groupement d’opérateurs économiques, lequel n’est pas doté de la personnalité juridique, d’un ou de plusieurs membres de ce groupement par un ou plusieurs autres opérateurs économiques constitue une modification du titulaire du marché qui ne peut valablement avoir lieu sans mise en concurrence que dans les cas prévus » à l’article R. 2194-6 du code de la commande publique.
En outre, pour être opérée sans remise en concurrence, la substitution d’un membre du groupement doit être faite en application des dispositions du Code de la commande publique liées aux conditions de régularité des avenants.
Notamment, soit dans le cas de la mise en œuvre d’une clause de réexamen ou d’une option, soit dans le cas d’une cession du marché, à la suite d'une opération de restructuration du titulaire initial.
A défaut, la substitution d’un membre du groupement en cours d’exécution du marché constitue un changement de titulaire nécessitant une remise en concurrence.
Or dans les faits, la modification n’a eu lieu, ni en application d’une clause de réexamen ou d’une option, ni à la suite d’une opération de restructuration. Par voie de conséquence, la décision de retrait du groupement « ne peut être regardée comme constituant une circonstance qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir au sens des dispositions de l’article R. 2194-5 du code de la commande publique » et donc le changement de membre du groupement ne pouvait se matérialiser par le biais d’un simple avenant au contrat sans remise en concurrence.
Ainsi, le Conseil d’État considère que « la SHAM est seulement recevable à saisir le juge du référé précontractuel des stipulations de l’avenant, et qu’elle est fondée à soutenir qu’en procédant à ce remplacement sans mise en concurrence le GHISF a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence ».
2 - Pour autant, et c'est également un apport particulièrement intéressant de cet arrêt, le Conseil d’État n’annule pas l’avenant en raison de l’intérêt général, « tenant à l’obligation légale faite aux établissements de santé de bénéficier d’une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile et aux conséquences disproportionnées, au regard des manquements commis, qu’aurait une annulation rétroactive de l’avenant sur la couverture assurantielle des sinistres ayant été susceptibles de survenir depuis sa signature », validant une modification du prix dans les conditions suivantes :
- 12. En second lieu, aux termes de l'article R. 2194-8 du code de la commande publique : " Le marché peut être modifié lorsque le montant de la modification est inférieur aux seuils européens qui figurent dans l'avis annexé au présent code et à 10 % du montant du marché initial pour les marchés de services et de fournitures ou à 15 % du montant du marché initial pour les marchés de travaux, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si les conditions prévues à l'article R. 2194-7 sont remplies. / Les dispositions de l'article R. 2194-4 sont applicables au cas de modification prévue au présent article ". Il résulte de l'avenant litigieux qu'il porte la prime d'assurance pour la seule année 2022 de 2,65% à 3,048% du budget, soit une augmentation de 74 610,60 euros hors taxes, ce qui représente une augmentation de 5,01% du montant total du marché sur les trois années d'exécution. Cette augmentation porte ainsi sur un montant inférieur au seuil de 215 000 euros hors taxes et inférieur à 10 % du montant total du marché. Dès lors, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la SHAM n'est pas recevable à contester devant le juge du référé contractuel cet avenant en tant qu'il a modifié le prix du marché d'assurances initial.
CE, 16 mai 2022, Société hospitalière d’assurances mutuelles, req. n° 459408