Les procédures de sélection pour l’accès en Master ont nourri un contentieux s’étoffant à l’aune d’une sélection de plus en plus rigoureuse pour certains Masters très demandés. Le pouvoir règlementaire et le Conseil d’État ont récemment précisé le régime juridique applicable aux procédures de sélection et aux décisions de refus des candidatures.
Le décret n° 2023-179 du 15 mars 2023 relatif à la procédure d'admission en première année des formations conduisant au diplôme national de master a d’abord instauré un régime dérogatoire de décision implicite de refus aux demandes d’admission après un délai de quatre mois, soulageant les Universités qui instruisent des candidatures de plus en plus nombreuses : jusqu’à 140 000 candidats pour les Masters en psychologie sur la plateforme Mon Master [1]. Ce régime laisse ainsi plus de temps aux universités pour analyser l’ensemble des dossiers de candidature. Le calendrier des phases de sélection est en outre désormais fixé par arrêté du Ministre chargé de l’enseignement supérieur en application de l’article D.612-36-2 du code de l’éducation dans sa rédaction issue du décret n°2023-113 du 20 février 2023 relatif à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master.
Le Conseil d’État, dans deux décisions récentes, vient préciser les conditions dans lesquelles cette sélection doit s’opérer : CE, 13 octobre 2023, n°467671 et CE, 31 octobre 2023, n°471537.
Quand des capacités d’accueil sont fixées par l’Université en application de l’article L612-6 du code de l’éducation, la haute juridiction, saisie d’une QPC, précise que les seuls critères applicables doivent être ceux tenant aux mérites des candidats, sans que d’autres critères ne puissent être établis. Seuls les éléments d’appréciation mobilisés pour la sélection peuvent être précisés par l’Université.
La délibération du conseil d’administration fixant les capacités d’accueil et modalités de sélection (concours ou examen du dossier du candidat) en application de l’article L612-6 du code de l’éducation[2], éventuellement complétée par les « éléments d’appréciation mobilisés » doit faire l’objet d’une publicité adéquate.
Dans sa décision du 13 octobre, le Conseil d’Etat[3], précise que le caractère adéquat est vérifié si la délibération est publiée sur le site internet de l’Université, dans des conditions garantissant leur fiabilité, et admet même, « compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner, d'autres modalités [sont] susceptibles d'assurer une publicité suffisante ». En cas de contestation, il appartient à l'autorité compétente d'établir l'accomplissement régulier des formalités de publicité. Le Conseil d’État unifie ainsi le régime de publicité des actes règlementaires par voie dématérialisée, déjà applicable aux actes des établissement publics et des collectivités locales[4].
De plus, le Conseil avait déjà estimé (CE, Avis, 21 janvier 2021, n° 442788) que les décisions de refus n’ont pas à être motivées, jugeant qu’elles n’entraient pas dans les catégories de décisions devant être motivées au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, sauf si le candidat évincé le demande, selon les dispositions du code de l’éducation reprises dans le nouvel article D612-36-2-2 issu du décret du 20 février 2023.
Enfin, l’obligation pour les candidats de se soumettre à la procédure dématérialisée via la plateforme « Mon Master », vient d’être jugée conforme par la décision du Conseil d’Etat du 31 octobre, de même que la possibilité pour le pouvoir règlementaire de fixer un nombre maximal de candidature aux Master pour chaque étudiant, à l’occasion du rejet d’un recours en excès de pouvoir à l’encontre du récent décret n° 2023-113 du 20 février 2023 relatif à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master. La juridiction vérifie que cette obligation de recours à un service dématérialisé ne contrevient pas au principe d’égalité de l’accès au service public pas au regard de 5 critères : l’objet du service ; le degré́ de complexité́ des démarches administratives en cause ; leurs conséquences pour les intéressés ; les caractéristiques de l’outil numérique mis en œuvre et, enfin, les caractéristiques du public concerné, dans la continuité d’autres décisions rendues sur le caractère obligatoire du recours à un téléservice[5].
Les Universités devraient ainsi être préservées de certains recours. Pour mémoire, les candidats n’ayant reçu aucune réponse favorable à leurs demandes d’admission peuvent saisir le Recteur via la plateforme « Mon Master ».
[1] https://www.letudiant.fr/etudes/3es-cycles-et-masters/la-selection-en-m1-fait-chuter-le-taux-de-poursuite-d-etudes-en-master-de-psychologie.html
[2] CE, 27 avril 2022, n°450490
[3] suivant plusieurs décisions : C.A.A. Versailles, 19 décembre 2019, n° 18VE00940, TA Lille 16 août 2023, n° 2306914, TA Paris, – 1re ch., 26 avr. 2023, n° 2118689
[4] Pour les collectivités locales depuis le 1er février 2022 et l’entrée en vigueur des nouveaux articles L2131-1 et suivant du CGCT
[5] CE, Section, 3 juin 2022, CNB et La CIMADE et autres