Le principe d’inconstructibilité sur les parties non actuellement urbanisées des communes dépourvues de plan local d'urbanisme (PLU), de carte communale ou de document de planification urbaine en tenant lieu, prévu à l’article L.111-3 du code de l’urbanisme modifié par la loi Alur, a pour objectif d’assurer une certaine cohérence de l’urbanisation des territoires communaux en évitant le mitage et en poussant à combler les dents creuses. La loi prévoit néanmoins la possibilité de déroger à ce principe, pour la plupart des cas après avis des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).
La question n° 44774 du 8 mars 2022 du député du groupe UDI et indépendants, Christophe Naegelen, qui s’interroge sur les mesures que compte prendre le gouvernement face aux difficultés de construire dans les zones non urbanisées des communes rurales que celles-ci disposent ou non d’un PLU ou PLUI du fait « d’une vision restrictive des services de l’Etat » et d’une « procédure des demandes de permis de construire encore trop bureaucratique et déconnectée de la réalité du terrain », est l’occasion pour la ministre de la cohésion de territoires et des relations avec les collectivités territoriales, dans sa réponse du 12 avril suivant, d’en rappeler l’objectif ainsi que de préciser la définition de la notion de « parties actuellement urbanisées » permettant d’accéder à un permis de construire.
Reprenant les réponses ministérielles précédentes sur le sujet et tout en précisant que cette notion est laissée à la libre appréciation des autorités locales sous le contrôle du juge, la ministre dépeint les contours de cette dernière et dresse la liste des possibilités pour les communes de construire sur leur territoire.
On retiendra ainsi la possibilité de construire :
- Dans les « parties actuellement urbanisées » de la commune autrement dit dans les zones regroupant « un nombre suffisant d'habitations desservies par des voies d’accès » ;
- En dehors de ces parties lorsque les constructions projetées sont « justifiées par les nécessités de l'agriculture, la réalisation des équipements publics, la protection du voisinage ou la sauvegarde des droits acquis » ou autorisées par délibération motivée du conseil municipal, dans l’intérêt de la commune et notamment « pour éviter une diminution de la population communale » ;
- Selon « les circonstances locales, notamment du type d'habitat, dense ou plus diffus, que l'on trouve dans les environs », en appréciant des éléments « comme la distance, la vocation de la zone, l'appartenance à un compartiment déjà urbanisé ou pas et l'existence ou non d'une coupure d'urbanisation », la partie du territoire communal concernée comportant nécessairement alors « un nombre et une densité significatifs de constructions[1] » ;
- Dans la frange de la zone construite qui pourra être « considérée comme une partie urbanisée sauf rupture objective (par exemple : dénivelé, rupture physique) », à condition que le projet « s'intègre dans la partie déjà urbanisée et que la dimension du projet n'a pas pour effet d'étendre les parties urbanisées » ;
- Dans le cas où la commune élabore une carte communale.
La ministre confirme également l’importance du rôle des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) qui ont pour but de réduire l'impact des documents de planification et de l'aménagement opérationnel sur les espaces naturels, agricoles et forestiers et émettent ainsi un avis dans le cadre des dérogations au principe de constructibilité limitée.
Elle précise que la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale ( dite Loi "3DS") permet désormais d’associer les élus concernés par un projet, qui en feront la demande, à l’avis émis par la CDPENAF sur celui-ci.
Elle juge le travail de ces commissions comme nécessaire car elles « contribuent à l’amélioration des projets » et ne constituent pas, contrairement à ce que dit Monsieur Naegelen, un frein à la constructibilité en zone rurale puisque « d’après les études réalisées par le Ministère de l'agriculture, les trois quarts des avis de la CDPENAF sont des avis favorables ».
Elle estime ainsi que « L'équilibre actuel et les différentes marges de manœuvre disponibles apparaissent satisfaisantes » et juge le dispositif légal actuel en matière de constructibilité en adéquation avec les objectifs qui en sont attendus.
[1] Voir en ce sens : CE, 29 mars 2017, Cne de Saint-Bauzile de Putois, n° 393730