Le Conseil d’État a, lors d’un arrêt en date du 10 octobre dernier[1] précisé, sa jurisprudence précédente en matière d’action en responsabilité contractuelle pour faute assimilable à une fraude ou à un dol et notamment concernant les modalités de prescription.
En effet, il avait sur le sujet, jugé dans un arrêt du 24 mai 1974[2] que « l'expiration du délai de l'action en garantie décennale dont le maitre de l'ouvrage dispose sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu'ils peuvent encourir, en cas de fraude ou de dol, dans l'exécution de leur contrat et qui n'est soumise qu'a la prescription trentenaire édictée par l'article 2262 du code civil » ou encore dans un arrêt du 26 novembre 2007[3], que « l'expiration du délai de l'action en garantie décennale ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu'ils peuvent encourir, en cas de fraude ou de dol dans l'exécution de leur contrat et qui n'est soumise qu'à la prescription qui résulte des principes dont s'inspire l'article 2262 du code civil ; que, même sans intention de nuire, la responsabilité trentenaire des constructeurs peut également être engagée en cas de faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave par sa nature ou ses conséquences, de leurs obligations contractuelles, commise volontairement et sans qu'ils puissent en ignorer les conséquences »
Dans le cas d’espèce de l’arrêt du 10 octobre 2022, un OPH a introduit un recours en réparation de son préjudice contre les sociétés ayant participé, dans le cadre d’un marché, à la construction d’un ensemble immobilier dont il est propriétaire, ainsi que leurs assureurs, du fait de malfaçons affectant les balcons de ce dernier.
Par un jugement en date du 16 octobre 2018, le tribunal administratif a condamné l’une des sociétés à indemnisé l’OPH à hauteur de 3 179 348,17€. L’appel interjeté par cette dernière ainsi que l’appel incident de l’OPH ont ensuite été rejetés par la Cour Administrative d’Appel par arrêt en date du 10 mai 2021, objet du pourvoi formé par la société appelante.
Le dommage ayant eu lieu le 25 janvier 2007, le Conseil d’État fait application de l’article 2262 du code civil dans sa version applicable avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et estime en conséquence que « S'il résulte de ces dispositions que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité pour faute assimilable à une fraude ou à un dol sont prescrites par cinq ans à compter de la date à laquelle le maître d'ouvrage connaissait ou aurait dû connaître l'existence de cette faute, par application des dispositions de l'article 2224 du code civil, elles étaient régies, jusqu'à l'entrée en vigueur de cette loi, par la prescription trentenaire qui courait à compter de la manifestation du dommage ».
La Cour Administrative d’Appel ayant retenu comme point de départ de la prescription la date de la connaissance du caractère dolosif du dommage, son arrêt est cassé et l’affaire renvoyée.
Ainsi, le régime des actions en responsabilité contractuelle pour faute assimilable à une fraude ou un dol diffère avant et après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 :
- Avant : la prescription est de 30 ans et court à compter de la manifestation du dommage.
- Après : la prescription est de 5 ans à compter de la date à laquelle le maître d'ouvrage connaissait ou aurait dû connaître l'existence de cette faute.
[1] Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10/10/2022, 454446
[2] CE, Section, 24 mai 1974, Société Paul Millet et Cie, n°s 85939 86007
[3] CE, 26 novembre 2007, Société Les Travaux du Midi, n° 266423,