Des mêlées judiciaires, la FFR plaquée au sol par le Tribunal administratif de Versailles qui n'a pas hésité à sortir le carton rouge pour avoir arrêté d'un coup de pied (ou croque en jambes) le projet de Grand Stade de Rugby. Les jeux de mots ne manquent pas pour évoquer le litige né entre la Fédération et les collectivités impliquées dans ce projet.
A la suite de l’élection de son nouveau comité directeur, la Fédération française de rugby (FFR) a résilié en cours d’exécution l’accord-cadre du 26 juin 2012 ayant pour objet la création d’un Grand Stade de rugby qu’elle avait conclu avec le groupement de collectivités territoriales requérantes.
Ces dernières réclamaient une indemnisation à hauteur de près de 50 millions d’euros : 29,80 millions d’euros pour la communauté d’agglomération ; 19,42 millions d’euros pour la commune de Ris-Orangis ; 6 259 euros pour celle de Bondoufle.
Il s’agissait alors pour le tribunal administratif de Versailles saisi de l’affaire de déterminer si la FFR avait agi dans le cadre de sa mission de service public, auquel cas un pouvoir de résiliation unilatérale aurait pu lui être reconnu, ou si elle n’agissait qu’en tant que personne privée, auquel cas, elle ne pouvait prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat.
Par un jugement du 3 juillet, le tribunal administratif commence par rappeler que les fédérations sportives sont des associations conformément à la loi du 1er juillet 1901, créées et gérées par des personnes privées mais dont il est admis qu’elles sont chargées, en vertu d’une délégation de la part du ministre des sports, de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif dès lors que le législateur leur a confié le monopole de l’organisation des compétitions officielles (article L. 131-15 du code des sports) et de l’établissement de l’application des règles techniques propres à leur discipline sportive (article L. 131-16 du code des sports).
Il rappelle ensuite deux « classiques » :
- ce n’est que lorsqu’elles accomplissent la mission de service public qui leur est confiée que les fédérations sportives bénéficient des prérogatives qui y sont attachées,
- et ce n’est que dans cette seule mesure qu’un pouvoir de résiliation unilatérale pourrait leur être reconnu même en l’absence de toute disposition en ce sens dans le contrat.
Il ressort de l’instruction que l’engagement pris par la FFR de construire un stade ne se rattachant à aucune des missions visées aux articles L. 131-15, L. 131-15-1 et L. 131-16 du code des sports, elle a agi en dehors de sa mission de service public, à savoir :
- Organisation de compétitions sportives,
- Élaboration d’un projet de performance fédéral,
- Élaboration des listes « haut niveau », « Espoir » et « collectifs nationaux »,
- Établissement d’une charte d'éthique et de déontologie, et d’un comité chargé de la faire appliquer,
- Édiction des règles techniques et règlements propres à leurs disciplines.
En conséquence, la FFR ne pouvait pas légalement rompre unilatéralement le contrat qui la liait au groupement de collectivités requérant en invoquant un motif d’intérêt général.
En outre, le tribunal administratif a recherché si l’accord-cadre en question ne comportait « aucune clause attribuant à l’une ou l’autre des parties le pouvoir de le résilier unilatéralement », ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
En procédant de sa propre initiative à la résiliation de l’accord-cadre sans que ce dernier ne lui ouvre une telle faculté, la FFR a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
La Fédération française de rugby est en conséquence condamnée par le tribunal administratif de Versailles à verser en réparation des conséquences liées à l’abandon du projet de Grand stade de rugby 3,36 millions d’euros à la communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart et 18 300 euros à la commune de Ris-Orangis. La commune de Bondoufle est en revanche déboutée de ses demandes.
D’aucun verront dans cette décision des accents politiques au lendemain des élections municipales, et un avertissement visant à condamner des méthodes un peu trop expéditives en matière d’exécution de contrats publics.