Dans cette affaire, une société de construction, a obtenu, le 24 février 2017, plusieurs permis de construire pour édifier trois bâtiments sociaux pour un total de 78 logements.
Elle a fait une demande de dérogation « espèces protégées » au préfet, procédure prévue à l’article L.411-2 du Code de l’environnement qui permet de déroger aux dispositions de l’article L.411-1 du même Code. En effet, l’implantation de ce projet se trouve à proximité d’une zone sur laquelle vivent de nombreuses salamandres tachetées inscrite comme espèces protégées.
L’article L.411-1 du Code de l’environnement prévoit les conditions de préservation du patrimoine naturel et des espèces animales non-domestiques.
L’article L.411-2 du même Code précise le régime d’obtention de dérogations « espèces protégées » :
« I. – Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées :
[…]
4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :
[…]
c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; »
Bien que le Tribunal administratif de Nancy puis la Cour administrative d’appel de la même ville aient estimé que le projet ne constituait pas une raison impérative d’intérêt public majeur, le Conseil d’État est allé à l’encontre de leurs jugements.
Il rappelle qu’un projet de construction peut être autorisé à titre dérogatoire si son intérêt économique et social fait naître une raison impérative d’intérêt public majeur.
Pour cela, il ne faut qu’aucune autre solution satisfaisante ne soit possible et que la dérogation « ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »
En l’espèce, le juge de cassation identifie le projet de logements sociaux comme étant une raison impérative d’intérêt public majeur pour deux raisons :
- un tel projet permet d’assurer le logement de populations modestes et fragiles ;
- la commune, sur laquelle est implanté le projet, a un taux de logements sociaux inférieur à l’objectif de 20% prévu par la loi SRU (n°2000-1208) et ce, sur une période significative de 10 ans.
Il est à noter que le juge administratif profite de cette décision pour rappeler que l’objectif fixé à 20% n’est pas un plafond mais bien un seuil.
Cette décision a amené le juge à opérer une conciliation entre aménagement de logements sociaux et protection de l’environnement, conciliation plutôt défavorable à l’environnement.
Voir arrêt "Société Batigère Habitat" ci-dessous.