Par une ordonnance du 15 février 2021, le Juge des référés précontractuel du Tribunal Administratif de Paris vient de confirmer le principe selon lequel, « un candidat dont la candidature ou l’offre est irrégulière n’est pas susceptible d’être lésé par les manquements qu’il invoque sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu’il dénonce » (TA Paris, Ord. 15 février 2021, Société RATP Dev, req. n°2100962)
Principe découlant d’une jurisprudence désormais bien établie du Conseil d’Etat, d’application du célèbre arrêt « Smirgeomes » désormais codifié au sein de l’article L.551-10 du Code de justice administrative, selon laquelle une entreprise « n'est pas susceptible (…) d'avoir été lésée et ne risque pas d'être lésée, fût-ce de façon indirecte, par les manquements qu'elle invoque et qui diffèrent du motif justifiant l'irrégularité de son offre » (CE, 15 février 2013, SARL Entreprise Lapied, req. n°364203,).
Une légère brèche avait récemment été ouverte par le Conseil d’Etat, estimant opérant le moyen du candidat dont l’offre a été rejetée comme étant irrégulière, et qui contestait l’irrégularité et/ou le caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire (CE, 27 mai 2020, req. n°435982).
Cette opérance étant justifiée par le fait qu’il y a une identité de motif entre l’irrégularité de l’offre du candidat évincé et l’irrégularité potentielle de l’offre de l’attributaire, et selon les conclusions du Rapporteur Public Gilles Pélissier sous cet arrêt, parce que « ce qui apparaît donc déterminant pour la cour est de garantir l’effet potentiellement utile du recours qui est à la fois d’éviter que le contrat soit attribué à une offre irrégulière et de donner une chance aux candidats évincés de présenter de nouvelles offres régulières dans le cadre d’une nouvelle procédure régulière, rétablissant ainsi les conditions d’une égale concurrence » (Concl. Gilles Pélissier sous CE, 27 mai 2020, req. n°435982).
Pour le reste, et c’est logique si l’on souhaite garantir la sécurité juridique des procédures de passation et des contrats afin de ne pas prononcer des annulations qui n’auraient en réalité et in fine aucune conséquence pour le requérant, le candidat dont l’offre est déclarée irrégulière ne peut se prévaloir que des manquements tenant à la contestation de l’irrégularité de son offre, et éventuellement d’autres manquements qui sont liés, ou qui pourraient être indirectement la cause, de cette irrégularité.
Ce que confirme le Tribunal Administratif de Paris dans l’ordonnance précitée.
Dans cette affaire, qui concernait un marché de transport, un candidat évincé dont l’offre avait été déclarée irrégulière se prévalait notamment d’un défaut d’allotissement et d’un manquement au principe de transparence.
Ces deux manquements n’étant pas liés à l’irrégularité de son offre, l’offre étant irrégulière en raison, d’une part, d’un BPU et d’un DQE incomplet, d’autre part, du non-respect des exigences de la consultation notamment la méconnaissance de l’offre de service de référence (itinéraires, points d’arrêts, horaires) qu’il était demandé aux candidats de respecter.
Le Juge des référés en déduit que « cette société n’est pas susceptible d’avoir été lésée et ne risque pas d’être lésée, fût-ce de façon indirecte, par les manquements qu’elle invoque tiré du défaut d’allotissement, de la violation du principe de transparence des procédures des marchés publics qui diffèrent des motifs retenus pour écarter son offre comme irrégulière ».
Il confirme par ailleurs le caractère irrégulier de l’offre, ce qui ne faisait que peu débat tenant la jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle l’offre dont le BPU est incomplet est une offre irrégulière (CE, 12 mars 2014, Commune de Saint-Denis, n°373718 ; CE, 25 mars 2013, Département de l’Hérault, req. n°364824).
Deux autres précisions sont bienvenues.
La Société requérante contestait l’irrégularité de son offre au motif, d’une part, que compte tenu des éléments de son offre et du matériel utilisé, il était inutile de remplir intégralement le BPU, d’autre part, qu’aucune procédure contradictoire préalable n’avait précédé la décision d’irrégularité.
Le juge des référés confirme à la fois qu’aucune procédure contradictoire n’est imposée préalablement à une déclaration d’irrégularité, et également que la circonstance que certains prix du BPU soient inutiles au regard de son offre n’exonère pas le candidat de le compléter intégralement comme l’exige le règlement de consultation dès lors que « le BPU (…), qui a un caractère contractuel, a été établi en fonction des besoins (…) tout au long de l’exécution du marché́ et fait partie des documents de la consultation ».
Une position logique, puisqu’autoriser un candidat à ne remplir que partiellement un BPU pour les seuls prix susceptibles, selon lui, de le concerner, conduirait à de nombreuses dérives et rendrait impossible la comparaison des offres des candidats entre elles.
Quoiqu’il en soit, en présence d’une offre irrégulière, le débat devant le juge des référés précontractuels doit bien se cantonner à l’irrégularité ou non de l’offre.