La 2ème chambre de la Cour administrative d’Appel de Versailles a récemment eu à juger de la validité du recours pour excès de pouvoir formulé par un tiers à l’encontre d’une convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial.
Le litige en question concerne la demande d’annulation de la décision implicite par laquelle un établissement public de l’État a rejeté les demandes d’un particulier relatives à la résiliation d’une convention d’occupation temporaire signée avec une société pour l’occupation d’un linéaire le long des berges du fleuve ainsi que la résiliation de cette convention elle-même.
Le juge administratif a, par un jugement en date du 9 septembre 2020, rejeté la requête formulée du fait de son irrecevabilité, estimant que la demande d’annulation concernait un acte détachable du contrat non susceptible de recours par un tiers à celui-ci.
C’est cette décision qui se voit déférer devant la Cour administrative d’Appel de Versailles, le requérant invoquant à l’appui de sa requête en appel différents moyens, et notamment celui qui nous intéresse ici, relatif au fait que sa demande concernait l’annulation « du refus de l’établissement d'utiliser son pouvoir de sanction à l'encontre d'une société occupante du domaine public fluvial, qui ne respecte pas les termes de la convention qui lui a été consentie à cet effet » et non un acte détachable du contrat.
Un moyen d’ordre public a, par suite, été invoqué par le juge d’appel, en vertu de l’article R.611-7 du code de justice administrative. Celui-ci a estimé, en effet, que la requête tendant à la résiliation de la convention d’occupation temporaire était irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, le requérant, qui a agi en son nom personnel et en tant qu’ex gérant, n’ayant pas justifié le préjudice qu’il encourait du fait de la poursuite de cette convention.
La question qui se pose ici est, ainsi, celle de savoir si un tiers peut légalement demander par la voie du recours pour excès de pouvoir l’annulation d’une convention d’occupation du domaine public.
Le juge d’appel y répond, par arrêt n°20VE02473 en date du 10 novembre dernier, en appliquant la jurisprudence « syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche » du Conseil d’état[1], selon laquelle « tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ».
(Rappelons qu’avant cet arrêt[2], seuls les recours pour excès de pouvoir contre l’acte détachable du contrat était ouvert aux tiers à condition qu’ils disposent d’un intérêt suffisant à agir et que la décision objet de la demande d’annulation ne soient pas trop intimement liée aux rapports contractuels tels qu’ordre de service ou décision de réception de travaux.)
Il en conclut alors, en l’espèce, que :
« la décision implicite née du silence gardé pendant deux mois sur cette demande, qui présente le caractère d'un acte détachable du contrat, est insusceptible de recours en excès de pouvoir », mais peut faire l’objet d’un recours formé devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exécution du contrat, à la condition que le requérant prouve qu’il est « susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l'exécution du contrat ».
La Cour Administrative d’Appel retient dans le cas d’espèce l’irrecevabilité de la requête intentée par le tiers à la convention d'occupation temporaire du domaine public fluvial pour défaut de preuve par le requérant de son préjudice certain et direct encouru du fait de la poursuite de ladite convention et rejette sa requête par voie de conséquence.
On en conclut qu’un tiers justifiant que ses intérêts seront lésés de manière directe et certaine par la poursuite d’une convention d’occupation domaniale peut donc introduire un recours de pleine juridiction devant le juge du contrat pour en demander sa résiliation.
Ainsi seuls les contrats de droit privé demeurent hors-Transmanche et donnent lieu, pour leur contestation, à un recours en annulation devant le juge de l’excès de pouvoir à la suite d’un refus de résiliation. Attention donc à bien gouverner sa barque.
[1] CE, 30 juin 2017, syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche, n°398445
[2] CE, 6 mai 1955, société des grands travaux de Marseille, CE, 24 avril 1964, SA de livraisons industrielles et commerciales