Dans le cadre d’un litige opposant un EPIC à la République Autrichienne et une société fédérale d’achats, relatif à la passation par ces dernières de marchés publics de fournitures de tests de détection des antigènes produits par le virus COVID-19 pour un montant de trois millions d’euros, la CJUE a été saisie de questions préjudicielles par le Tribunal administratif fédéral autrichien.
C’est la 6ème question qui nous intéresse ici. Elle concerne la possibilité pour un pouvoir adjudicateur de se fonder, pour attribuer un nouveau marché, sur un accord-cadre dont la quantité ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés qu’il fixe a déjà été atteinte.
La CJUE répond par la négative en se fondant sur la décision de la CJUE « Simonsen & Weel » en date du 17 juin 2021, mais dégage néanmoins une exception de principe. Pour rappel, celle-ci avait jugé qu’« au regard des principes d’égalité de traitement et de transparence énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24 ainsi que de l’économie générale de cette directive, il ne saurait être admis que le pouvoir adjudicateur s’abstienne d’indiquer, dans l’avis de marché, une valeur maximale des produits à fournir en vertu d’un accord-cadre ».
La CJUE pose alors, dans son arrêt en date du 14 juillet 2022, le principe selon lequel l’accord-cadre dont le montant maximal a été atteint ou dépassé est privé d’effets, de sorte qu’aucun marché supplémentaire ne peut être passé sur son fondement, à moins que cette nouvelle attribution n’entraine pas de modification substantielle de l’accord-cadre.
« L’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur ne peut plus se fonder, pour attribuer un nouveau marché, sur un accord-cadre dont la quantité et/ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés qu’il fixe a ou ont déjà été atteinte(s), à moins que l’attribution de ce marché n’entraîne pas une modification substantielle de cet accord-cadre, ainsi que le prévoit l’article 72, paragraphe 1, sous e), de cette directive ».
Alors que nous vous avions proposé, lors de mardis de la commande publique et dans notre brève relative à la jurisprudence « Simonsen & Weel » (https://charrel-avocats.com/actualite/tour-de-vis-sur-les-accords-cadres-sans-montant-maximum-par-la-cjue), la possibilité de faire des avenants ou des clauses de réexamen dans les accords-cadres pour faire face aux effets néfastes de cette jurisprudence.
Cette décision vient autoriser la passation de marchés subséquents ou de bons de commande sur la base d’un accord-cadre dont le montant limite indiqué serait dépassé à condition qu’ils ne modifient pas de manière substantielle ce dernier, autrement dit en vertu de la Directive 2014/24/UE du 26 février 2014 qu’ils ne changent pas la nature globale de l’accord-cadre initial.
La lecture trop rigoriste d'une technique d'achats censée pouvoir répondre aux besoins d'adaptation des commandes en fonction de la réalité des besoins est donc enfin dépassée un an après. Décision à saluer en ces temps où l'adage "prévoir, c'est gouverner" est d'application vraiment difficile.