Le projet du CDG express, desserte ferroviaire de 32km dont 8 km de voies nouvelles reliant l’aéroport Paris-Charles de Gaulle à la ville de Paris en 20 minutes, a été déclaré d’utilité publique en 2008 et confirmé en 2017. Avec une arrivée à la gare de l’Est, ce projet a pour ambition d’effectuer une liaison rapide pour les voyageurs de l’aéroport avec les métros, bus et trains de la capitale. Il est prévu pour être complémentaire au réseau existant déjà saturé. C’est en cela, et compte tenu de la hausse démographique attendue ces prochaines années, qu’il apparait pour les porteurs du projet comme un projet d’intérêt général majeur. Avis qui n’est pas partagé de tous, certains le surnommant « le train des riches ».
Après un avis favorable du Conservatoire national de protection de la nature, la phase d’étude du projet du CDG express a dressé un état des lieux des espèces protégées impactées par son tracé et notamment la présence d’une espèce menacée de lézard, ce qui a conduit à l’obtention d’une autorisation environnementale incluant une demande de dérogation espèces protégées (DEP) en date du 11 février 2019. C’est cette autorisation qui sera l’objet des débats d’abord controversée par la commune de Mitry-Mory devant le Tribunal Administratif de Montreuil puis devant la Cour Administrative d’Appel de Paris.
Le Tribunal a, ainsi été amené à étudier ce projet d’aménagement et par jugement en date du 9 novembre 2020, conclut à l’annulation partielle de l’arrêté interpréfectoral autorisant les travaux du CDG express, ne reconnaissant pas celui-ci comme « une infrastructure indispensable » répondant « à des raisons impératives d’intérêt public majeur » compte-tenu de la diminution du trafic aérien engendrée par la pandémie. Appel est alors interjeté par l'État, SNCF Réseau et le Gestionnaire d'infrastructure CDG Express qui demande en même temps un sursis à exécution permettant la reprise des travaux en attendant la décision de la Cour Administrative d’Appel de Paris. Arrêt qui vient d’être rendu le 28 avril dernier et par lequel la Cour, jugeant que « ce projet vise à améliorer la desserte de l’aéroport par les transports en commun, à décongestionner le réseau existant, à renforcer l’attractivité de l’agglomération francilienne et à faciliter l’interconnexion entre les différents modes de transport », « considère, contrairement à ce qu’avait jugé le tribunal administratif, que le projet est justifié par une raison impérative d’intérêt public majeur, permettant de déroger aux dispositions (…) du code de l’environnement concernant la protection des espèces animales »
Cette notion de « raison impérative d’intérêt public majeur » constitue tout l’intérêt de ces deux décisions.
Le principe de la protection des espèces protégées et de leurs habitats a été posée par la Directive « Habitats » puis transposé en droit français à l’article L.411-1 du code de l’environnement qui interdit d’y porter atteinte « Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats». L’article L.411-2 point 4 du même code prévoit la possibilité d’y déroger lorsque trois conditions cumulatives sont remplies. Conditions que le Conseil d’État, par arrêt en date du 24 juillet 2019, hiérarchise de la manière suivante :
- Le projet d’aménagement ou de construction doit justifier d’une raison impérative d’intérêt public majeur; Et si un intérêt public majeur est démontré et tout en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues :
- Il ne doit pas exister d’autres solutions satisfaisantes ;
- Il ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
La sécurisation du dossier de dérogation pour les porteurs de projet réside donc dans la justification de cette « raison impérative d’intérêt public majeur » car c’est bien cette notion qui sera déterminante dans l’appréciation du juge pour autoriser une telle dérogation.
Ne disposant pas de définition précise aujourd’hui, cette notion est appréciée au cas par cas par les juridictions selon le contexte social et économique du projet notamment en recherchant un certain équilibre entre les différents enjeux du projet et son impact écologique.
De nombreuses dérogations ont été annulées faute de remplir cette première condition. L’intérêt public ne suffit pas, il est nécessaire de démontrer le caractère impératif et majeur du projet.
En l’espèce, la Cour retient la légalité de la dérogation considérant que le projet du CDG express réunit la condition d’un intérêt public (déclaration d’utilité publique du projet de liaison ferroviaire : amélioration de la desserte de l’aéroport), impératif (réseau actuel saturé, décongestion du réseau existant) et majeur ( impact du projet pour le développement économique et touristique puisqu’il « renforce l’attractivité de l’agglomération francilienne et facilite l’interconnexion entre les différents modes de transport »).
Reste à savoir si le Conseil d’État suivra la même interprétation. Un pourvoi sera certainement diligenté par la commune et les associations de défense de l’environnement. Pourvoi qui sera l’occasion pour la juridiction suprême, si elle la saisit, d’apporter de nouvelles précisions quant à la notion de « raisons impératives d’intérêt public majeur ».