La rigueur de droit de la commande publique, sur certains aspects, n'est pas compatible avec la situation exceptionnelle auxquelles les entreprises et les acheteurs publics doivent désormais faire face, pour cette nouvelle phase de traitement des conséquences de cette période d'urgence sanitaire. Cette nouvelle ordonnance du 17 juin 2020 permettra d'introduire plus de souplesse dans l'appréciation des capacités économiques et financières des candidats.
Dans cette perspective, le rapport de présentation de l'ordonnance rappelle qu'afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment pour soutenir les entreprises qui rencontrent des difficultés dans l'exécution des contrats publics, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi visant à adapter « les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».
Trois points essentiels, mais somme toute limités en réalité, sont à retenir.
1 - Faciliter l'accès aux marchés publics et aux contrats de concessions pour les entreprises admises à la procédure de redressement judiciaire : rien de nouveau sous le COVID, mais toujours rien pour les entreprises en situation de sauvegarde
Le 3° des articles L. 2141-3 et L. 3123-3 du code de la commande publique (CCP) interdit à une entreprise en redressement judiciaire, qui ne peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat, de se voir attribuer un marché public ou un contrat de concession. Il est proposé de préciser cette disposition en autorisant les entreprises en redressement judiciaire qui bénéficient d'un plan de redressement à se porter candidates aux contrats de la commande publique.
En réalité, juridiquement, cette disposition n'a guère de grande utilité : par principe, une entreprise placée en redressement dont la durée est compatible avec la durée d'exécution du marché ne peut être écartée. Avec ou sans plan de redressement d'ailleurs.
Cette fausse nouvelle disposition aura au moins pour mérite de rassurer, voire d'inciter certains acheteurs, à apprécier plus souplement la situation de certaines entreprises désireuses de se battre et de sauver leur activité et éviter la double peine d'être à la fois en redressement et de perdre toute chance réelle d'obtenir des marchés pour assurer leur pérennité dans le cadre d'un plan de continuité.
Mais ce qui va manquer dans l'arsenal d'aide à la gestion post-crise, ce sont des dispositions spécifiques pour apporter un certain nombre de garanties pour les acheteurs publics et les entreprises en situation de sauvegarde qui sont également perçues à risque en cas d'attribution de marchés publics et concessions. Ces hypothèses risquent d'ailleurs de se multiplier ces prochains mois, avec les problématiques d'impact sur des opérations et des chantiers en cas de graves difficultés d'exécution qui pourraient résulter des aléas financiers des titulaires.
Cette disposition s'applique jusqu'au 10 juillet 2021. Elle mériterait évidemment de se pérenniser mais d'être intégrée dans une réflexion plus globale sur la gestion des difficultés des entreprises en cours d'exécution des contrats de la commande publique (période de sauvegarde, mise en redressement, et adaptation des règles notamment d'avenants en cas de liquidation avant réception des travaux ou pendant la période de levée de réserve...).
2 - Elargissement au contrat globaux du dispositif du quota de 10% au profit des PME et artisans
L'article 2 étend à tous les contrats globaux du code de la commande publique le dispositif en faveur des PME prévu pour les marchés de partenariat par l'article L. 2222-4 du CCP. Il impose qu'au moins 10 % de l'exécution du marché soient confiés à des PME ou des artisans et que la part que l'entreprise s'engage à confier à des PME ou à des artisans constitue un critère obligatoire d'attribution du contrat.
Selon le Gouvernement, la période de relance de l'économie après l'épidémie de covid-19 pourrait s'accompagner d'un fort recours à des marchés de ce type.
Mesure présentée comme "audacieuse" selon le Ministre de l'Economie (voir article du Moniteur) Etendre ce critère à l'ensemble des contrats globaux du CCP permettrait de soutenir les PME fragilisées par cette crise en leur facilitant l'accès à ce type de contrat. Ces dispositions ne sont pas applicables aux marchés de défense et de sécurité, lorsqu'il est fait application de l'article L. 2371-1.
Là encore, il s'agit essentiellement de cristalliser dans le code de la commande publique une pratique très répandue chez les acheteurs mettant en oeuvre les contrats globaux, soucieux de préserver le tissu local des entreprises et d'encadrer au mieux les conditions de recours à des entreprises sous-traitantes.
Cette nouvelle disposition a donc au moins le mérite de valider au sein des dispositions législatives du CCP ces mesures en faveur des PME qui se heurtent parfois à des réticences liées au risque de critique d'une forme de localisme (les PME et artisans en cause étant rarement très éloignées géographiquement du lieu d'exécution du contrat...).
Cette disposition s'applique jusqu'au 10 juillet 2021. Elle mériterait évidemment de se pérenniser.
3 - Quand il faut rappeler ce qu'est le bon sens n'est pas toujours la chose la mieux partagée
L'article 3 propose d'imposer aux acheteurs publics de ne pas tenir compte, dans l'appréciation de la capacité économique et financière des candidats aux marchés publics ou contrats de concessions, de la baisse du chiffre d'affaires intervenue au titre du ou des exercices sur lesquels s'imputent les conséquences de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19.
Cette nouvelle disposition permettra d'inciter également les acheteurs chargés de l'analyse des candidatures à davantage de souplesse dans le contexte.
Pour autant et une fois de plus, la portée de cette mesure semble limitée. D'une part, s'agissant des procédures ouvertes, il paraît délicat - pour ne pas dire impossible - d'évincer un candidat pour ce seul motif dans le contexte, sans risquer une annulation pour erreur manifeste d'appréciation "contextuelle". D'autre part, dans la très grande majorité des cas, c'est tout un secteur qui aura été touché (on pense au secteur de la BTP) par une baisse conjoncturelle systémique du chiffre d'affaires ; ce qui n'en fera donc pas un critère d'analyse pertinent pour un candidat pris individuellement, mais plutôt à distinguer des autres si l'incidence de perte de chiffres d'affaires est nettement plus élevée que l'ensemble du secteur, pour des raisons sur lesquelles il sera important de demander (et d'apporter) des précisions.
Cette disposition s'applique jusqu'au 31 décembre 2023.
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Comme souvent, de nouvelles règles vont dans le bon sens, mais comme trop souvent, et il faut le reconnaitre ici, de temps, ces "nouvelles" mesurettes ne sont pas à l'échelle des dispositions exceptionnelles (voir d'exception) qu'il faudrait envisager pour un traitement plus systémique des sujets qui vont apparaître avant le retour à une situation purgée de toutes les conséquences de la période de crise sanitaire.