Par une courte ordonnance n° 2020-1507 du 2 décembre 2020, le pouvoir exécutif a adapté le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire. Ces règles provisoires étendent la possibilité d’organiser des téléconférences et prévoient une prorogation des mandats jusqu’au 30 avril 2022 au plus tard, dans les conditions énoncées par le texte.
1. Renouvellement de la liste des organes visés et dispense de modification du règlement intérieur
« Visioconférence », « réunion audiovisuelle », « télécommission », « téléconférence », « conference call », « cloud meeting » … Les modalités d’organisation des délibérations à distance sont aujourd’hui aussi variées que la terminologie qui les désigne.
A l’instar du recours à ces modes de réunion dématérialisée prévu pour les assemblées des sociétés anonymes (R225-61 et suivants du code de commerce) et facilité par l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020, la faculté d’organiser des délibérations à distance est également enrichie pour les personnes publiques.
Initialement fixée dans les dispositions de l’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014, la possibilité d’avoir recours à des délibérations à distance a été étendue à de multiples reprises par des dispositions sectorielles, notamment :
- L’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales ;
- La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
- Désormais, l’ordonnance n° 2020-1507 du 2 décembre 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives.
Cette succession a ainsi pour effet de permettre le recours à la visioconférence pour une grande variété d’organes de ces administrations (tableau ci-après).
Il y a lieu de relever à ce titre que le texte initial, comme l’ordonnance n°2020-1507 du 2 décembre 2020, exclut expressément les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements. Néanmoins, l’organisation d’une téléconférence est prévue pour ces personnes publiques dans l’ordonnance n°2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales.
Doit-on y voir une abrogation implicite ? Une erreur de plume ? Une lecture optimiste conduira à retenir que l’ordonnance du 2 décembre 2020 prévoit des compléments dont le champ ne vise pas les organes des collectivités territoriales, plutôt qu’un retour en arrière pour ces dernières.
Au-delà du renouvellement de la liste des organes pouvant avoir recours à la visioconférence, quel est l’apport de l’ordonnance du 2 décembre 2020 ? Le principal apport de l’ordonnance est de dispenser les organes visés de modifier leur règlement intérieur, en prévoyant – de la même manière que les textes les assemblées des sociétés – que « cette faculté s'exerce nonobstant la circonstance que les dispositions législatives ou réglementaires propres à ces organismes ou instances, y compris leurs règles internes, ne prévoient pas de possibilités de délibération à distance ou les excluent » (article 1e, alinéa 2).
Mesures autorisant les délibérations à distance et organes visés
2. Prolongation des mandats, sauf pour les collectivités territoriales et leurs groupements
L’autre apport de l’ordonnance du 2 décembre 2020 désigne la possibilité de proroger les mandats des membres des organes collégiaux visés, dès lors que deux conditions sont satisfaites :
- L’expiration du mandat intervient durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à un mois après le terme de ce dernier ;
- Le renouvellement du mandat implique de procéder à une élection qui ne peut se dérouler selon un mode dématérialisé.
Le cas échéant, le mandat est prorogé, nonobstant toute limite d'âge ou interdiction de mandats successifs, jusqu'à la désignation des nouveaux membres et au plus tard jusqu'au 30 avril 2021 (ordonnance précitée, article 2).
3. La visioconférence : une modalité optionnelle complétant la boite à outil à disposition des collectivités locales
L’ordonnance du 2 décembre 2020 n’a pas pour effet de contraindre les personnes publiques à avoir recours à la visioconférence, de sorte que celles-ci peuvent décider de maintenir d’autres modalités d’organisation de leurs réunions.
A ce titre, un panel d’autres mesures simplificatrices est prévu pour les collectivités territoriales (lieu, participation du public, condition de quorum exigée), dans l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 et dans la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020.
S’agissant du lieu : l’article 6 de la loi précitée prévoit que le maire, le président de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou le président d'un groupement de collectivités territoriales peut décider de réunir l'organe délibérant en tout lieu, dès lors que ce lieu ne contrevient pas au principe de neutralité, qu'il offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances.
S’agissant du public : sans préjudice du principe de publicité des séances, impliquant traditionnellement la présence des administrés (aux séances du conseil municipal par exemple : article L. 2121-18 du CGCT), le législateur a entendu laisser le choix à l’exécutif local d’aménager ce principe de manières alternatives :
- Séance fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister ;
- Séance sans que le public ne soit autorisé à y assister, dès lors que les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.
S’agissant du la condition de quorum : celle-ci est provisoirement abaissée à un tiers des membres, permettant en outre la nouvelle convocation de l’assemblée à trois jours d’intervalle si ce tiers n’est pas atteint, et ouvrant ainsi la voie à une délibération sans condition de quorum.
Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance (ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020, point III de l’article 6).
Par ailleurs, un membre de ces organes, commissions ou bureaux peut être porteur de deux pouvoirs, autrement dit procéder à un triple vote, facilitant ainsi la prise en compte des membres absents.
Les mesures applicables localement ont été rassemblées et présentées dans une notice explicative établie par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) le 17 novembre 2020.
4. Caractère provisoire
La facilitation du recours à la visioconférence étant motivée par les circonstances exceptionnelles attachées à l’épidémie de Covid-19, celle-ci est mise en œuvre jusqu'à l'expiration de la période de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020 et prorogé par la loi du 14 novembre 2020 susvisée, augmentée d'une durée d'un mois.
En l’état du droit positif, l’état d’urgence sanitaire expire le 16 février 2021 (décret précité, point III de l’article 6).
Au regard du succès de ces modalités d’organisation à distance et de la révolution des usages en cours, il y a lieu de penser que le provisoire a vocation à s’inscrire dans la durée…
Ordonnance n° 2020-1507 du 2 décembre 2020 ; Loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020.