Le 5 juin 2024, la Cour de cassation a rendu un arrêt novateur (Cour Cassation, chambre criminelle, 5 juin 2024, n°22-84.421) par lequel elle fait une interprétation étendue de la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics.
Dans cette affaire, un professeur des universités a candidaté, à plusieurs reprises, lors de concours de recrutement ouverts par une université, sur des postes de « Professeur de géographie », pour lesquels il estimait avoir le profil adéquat. Sa candidature n’a cependant jamais été retenue, les candidats locaux étant privilégiés par l’Université.
S’estimant victime d’un localisme dans le recrutement, ledit candidat a donc décidé de porter plainte, se prévalant d’une fraude commise dans un concours public, par ses organisateurs.
Toutefois, et au terme d’une ordonnance du 8 juin 2021, le juge d’instruction a considéré qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre sur un tel fondement à défaut pour celui-ci d’être applicable au cas d’espèce, et son raisonnement fût confirmé par la chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 23 juin 2022.
L’enjeu juridique de cette affaire se situe donc, devant la Cour de cassation, dans l’appréciation du champ d’application de la loi de 1901 relatif à la fraude dans les examens et concours publics.
Pour le dire autrement : un candidat peut-il valablement se prévaloir de la fraude commise dans l’organisation d’un examen ou concours publics, sur la base de la loi de 1901, à l’encontre de l’administration organisatrice ?
Pour rappel l’article 1 de la loi du 23 décembre 1901 prévoit que :
« toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'État constitue un délit. »
Son article 2 dispose, quant à lui, que :
« Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment, avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de l'épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera condamné à un emprisonnement de trois ans et à une amende de 9 000 euros ou à l'une de ces peines seulement. »
Sur cette base, il a été considéré à tort, en appel, que l’infraction ainsi prévue ne devait être appréciée « qu’en la personne du candidat qui use manœuvres frauduleuses » et que ladite loi entendait exclure de son champ les faits commis à l’occasion de « l’organisation, le déroulement d’un concours ni la sélection du candidat retenu », confirmant le non-lieu.
Retraçant l’exacte portée de l’article 1er de la loi de 1901, la Haute juridiction civile a estimé que la Cour d’appel avait fait une interprétation erronée de la loi de 1901, alors que celle-ci devait s’appliquer plus largement à toute fraude commise lors d’un examen ou concours par toute personne (« quiconque »).
Deux apports découlent donc de la position de la Cour de cassation et doivent être donc être soulignés dans la présente :
- Premièrement, la caractérisation de la fraude aux examens ne se limite pas aux seuls cas prévus à l’article 2. En outre, la Cour éclaircit la portée matérielle de cette infraction, en expliquant de manière inédite que ledit article se contente « d'énoncer certains cas de fraude de manière non limitative » sans pour autant exclure ab initio les éventuelles fraudes commises lors de l’organisation, le déroulement de l’examen ou concours ou encore lors de la délibération portant sélection du candidat ;
- Deuxièmement, toute personne peut se rendre coupable d’une fraude aux examens et concours publics, en ce compris l’administration organisatrice du recrutement par voie de concours. En effet, la Cour adopte une lecture littérale de la loi 1901, pouvant être caractérisée « quelqu’en soit l’auteur ».
En d’autres termes, les organisateurs de concours et examens, dont particulièrement les universités, peuvent être poursuivis pour des chefs de fraude aux examens sur la base d’agissements commis dans l’organisation, le déroulement et l’attribution d’un poste, à l’instar de tout candidat.
En conséquence, dans la présente espèce, le jugement de la chambre d’instruction de la Cour d’appel, confirmant le non-lieu, est annulé et l’affaire doit être à nouveau jugée.