La Cour de cassation rejette une nouvelle fois sur une question prioritaire de constitutionnalité[1] portant sur les dispositions de l’article 432-14 du code pénal relatif au délit de « favoritisme »[2].
Dans l’affaire commentée, il était soulevé que les dispositions de l’article 432-14 du code pénal violaient le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les objectifs d’intelligibilité et de prévisibilité de la loi (i) en ce qu’elles laissaient partiellement au pouvoir règlementaire la faculté de déterminer les éléments constitutifs du délit de favoritisme et (ii) en ce qu’elles permettaient que le délit soit caractérisé même en l’absence de manquement à une règle particulière.
En effet, rappelons-nous, d’une part, qu’il y a encore peu de temps, l’édiction des dispositions en matière de marchés publics était majoritairement l’apanage du pouvoir règlementaire, ce qui n’était, au demeurant, pas contraire à la Constitution, comme le relève la Cour de cassation dans l’arrêt commenté[3].
Rappelons-nous, d’autre part, que les juridictions répressives ont pu considérer que tombaient sous le coup de l’article 432-14 du code pénal certains manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence non clairement et précisément énoncés par les textes mais découlant de l’interprétation des « principes généraux »[4] du droit de la commande publique, que sont l’égalité de traitement, la liberté d’accès et la transparence[5].
Cela étant, par un arrêt du 19 décembre 2019[6], la Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que cette disposition n’était ni contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ni aux articles 34 et 37 de la Constitution dès lors, notamment, que le législateur a défini lui-même les caractéristiques essentielles du comportement fautif de nature à engager la responsabilité pénale.
En outre, la modification textes applicables en matière de passation des marchés public n’est pas de nature à influer sur la définition du délit de favoritisme puisque, l’article 432-14 du code pénal, support légal de l’incrimination n’est pas modifié.
La Haute juridiction judiciaire a donc considéré la question comme dépourvue de caractère sérieux et l’a rejetée.
Nicolas CHARREL et Ariane BARDOUX, avocats au barreau de Paris (SELAS CHARREL & Associés, Paris, Montpellier, Marseille)
[1] Voir pour des décisions précédentes de la chambre criminelle : Cass. crim., 30 novembre 2011, pourvoi n° 11-82961 ; Cass. crim, 23 juillet 2014, pourvoi n° 14-90024 ; Cass. crim., 4 décembre 2019, pourvoi n° 19-83446.
[2] Selon l’expression consacrée par la pratique.
[3] Conseil Constitutionnel, décision n° 64-29, loi du 12 mai 1964 ; Conseil Constitutionnel, décision n° 2003-195, loi du 22 mai 2003.
[4] Voir pour l’utilisation de cette expression : CE, avis, 29 juillet 2002, Société MAJ blanchisserie de Pantin, req. n° 246921, Rec.
[5] Voir par exemple : Crim., 14 février 2007, n° 06-81924, Bull. crim. pour les anciens marchés sans formalités préalables existants sous l’empire du code de 2001 et pour les marchés passés selon une procédure adaptée.
[6] Cass. crim, 18 décembre 2019, pourvoi n° 19-81724.