Avec la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le législateur a souhaité que la commande publique devienne un levier pour le développement de l’économie circulaire : les acheteurs doivent être exemplaires.
Représentant 101 milliards d’euros[1], la commande publique « pèse » un poids non négligeable dans l’économie.
C’est fort de ce constat que, lors de l’adoption de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le législateur a souhaité que la commande publique devienne un levier pour le développement de l’économie circulaire : les acheteurs doivent être exemplaires.
Les nouvelles dispositions emportent donc des évolutions directes en matière de droit de la commande publique dont il appartient aux acheteurs de se saisir afin de s’inscrire dans le cercle vertueux de l’économie circulaire.
Certains des dispositifs peuvent être qualifiés de « ponctuels » (1) puisqu’ils n’ont vocation à s’appliquer qu’à certains secteurs d’activités précisément identifiés alors que d’autres sont plus généraux (2).
1. Les dispositifs ponctuels de promotion de la commande publique circulaire
Tout d’abord, en matière d’achat de pneumatiques, le nouvel article L. 2172-6 du code de la commande publique[2] impose à l’Etat, aux collectivités territoriales ainsi qu’à leurs opérateurs de n’acquérir que des pneumatiques rechapés.
Cependant, cette disposition ne s’appliquera pas aux véhicules d’urgence, aux véhicules militaires ainsi que si une première consultation s’est révélée infructueuse.
Ce dispositif vient directement contraindre la définition de leurs besoins par les acheteurs concernés et s’inscrit pleinement dans une démarche d’économie circulaire[3] puisqu’il permet de limiter l’acquisition de pneumatiques neufs.
Ensuite, en matière d’acquisition de logiciels, le second alinéa de l’article 55 de la loi commentée encourage l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que les personnes publiques chargées d’une mission de service public[4] à promouvoir le recours à des logiciels dont la conception permet de limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation.
Bien qu’aucune précision sur ce point ne soit fournie par les nouvelles dispositions légales, l’on peut considérer que cette promotion des logiciels « propres » pourra passer par plusieurs canaux, et notamment, par exemple :
- lors de la définition des besoins, en fixant des spécifications techniques en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles[5] et en se référant au cycle de vie[6] permettant de tenir compte de la consommation énergétique des logiciels acquis ;
- par la fixation de critères environnementaux[7] permettant de bonifier les propositions de solutions logicielles dont la consommation énergétique est la plus faible ainsi qu’en ayant recours à la notion de coût global[8] ;
- en prévoyant des conditions particulières d’exécution[9] définissant un indicateur de consommation énergétique et en sanctionnant, si cela est envisageable techniquement, les dépassements éventuels.
Enfin, pour les constructions temporaires, le nouvel article L. 2172-5 du code de la commande publique[10] prévoit désormais que « lorsqu’ils achètent des constructions temporaires, les acheteurs ne peuvent exclure les constructions temporaires ayant fait l'objet d'un reconditionnement pour réemploi, sous réserve que leurs niveaux de qualité et de sécurité soient égaux à ceux des constructions neuves de même type. Ils tiennent compte des incidences énergétiques et environnementales de la construction sur toute sa durée de vie. »
La portée de cette disposition est double.
D’une part, au niveau de la définition des besoins et de l’appréciation des offres, elle interdit aux acheteurs d’exclure les constructions temporaires ayant fait l’objet d’une reconditionnement pour réemploi, à supposer, toutefois, que ces constructions présentent des niveaux de qualité et de sécurité équivalents à des constructions neuves.
Cette disposition impose donc aux acheteurs publics d’intégrer et d’évaluer les constructions temporaires issues de l’économie circulaire puisqu’ils ne pourront plus exiger des opérateurs économiques uniquement des constructions neuves.
D’autre part, elle impose aux acheteurs, lors de l’acquisition de constructions temporaires, de prendre en compte les incidences énergétiques et environnementales de la construction sur toute sa durée de sa vie.
Les acheteurs devront donc privilégier les acquisitions « propres » voire issue de l’économie circulaire.
En effet, cette disposition peut se rapprocher de celles existant en matière d’achat de véhicules à moteur[11] qui prévoient que l’acheteur est tenu de fixer des spécifications techniques relatives aux performances énergétiques et environnementales et/ou inclure les incidences énergétiques et environnementales sur toute la durée de vie dans les critères d’attribution, notamment en se référant à la notion de coût du cycle de vie.
2. Les dispositifs généraux de promotion de la commande publique circulaire
En premier lieu, l’article 58 de la loi commandée prévoit qu’à compter du 1er janvier 2021, sauf contrainte opérationnelle liée à la défense nationale ou contrainte technique significative, les biens acquis annuellement par les collectivités territoriales et leurs groupements devront être issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrer des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit.
Cette disposition pourra contraindre de manière très importante les achats publics en faisant obstacle à l’acquisition de fournitures entièrement neuves.
Dans une telle situation, les acheteurs ne pourraient alors pas acheter des produits ne constituant pas, ou n’étant pas composés de produits, issus de « l’économie circulaire ». En d’autres termes, dans le cadre de la définition de leurs besoins comme lors de l’analyse des offres, ils ne pourront plus exiger la fourniture de biens ne remplissant pas ces conditions et seront tenus de rejeter comme irrégulières les propositions des soumissionnaires ne respectant pas les dispositions légales.
Cela étant, pour déterminer précisément la portée d’un tel dispositif, il convient d’attendre la parution du décret en Conseil d’Etat qui fixera la liste des produits concernés et pour chaque produits les taux pouvant être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage.
En second lieu, le premier alinéa de l’article 55 de la loi commentée fixe aux services de l’Etat, aux collectivités territoriales ainsi qu’à leurs groupement, une obligation de réduire (i) leur consommation de plastiques à usage unique, (ii) leur production de déchets et (iii) de privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matière recyclées en prévoyant des clauses et des critères utiles dans les cahiers des charges.
Cette obligation sera applicable à compter du 1er janvier 2021 et « dès que cela est possible ».
Bien que cette disposition n’a pas vocation à s’appliquer exclusivement en matière de commande publique, cet aspect de l’action publique nous semble directement impacté.
Les personnes publiques sont donc appelées, lors de leur achat, à faire usage, dans la mesure du possible :
- de critères environnementaux ou du critère du coût global visant à privilégier les offres les plus vertueuses en la matière ;
- de conditions particulières d’exécution pour imposer à leurs cocontractants d’avoir recours à des biens issus de l’économie circulaire dans le cadre de la fourniture des prestations.
Ces dispositions s’ajoutent selon nous à l’article L. 2111-1 du code de la commande publique qui impose aux acheteur de définir la nature et l’étendue des besoins à satisfaire « en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ».
Le champ des possibles apparaît particulièrement vaste pour les acheteurs en fonction de chaque catégorie d’achat.
La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire constitue donc un premier pas vers le « verdissement » de la commande publique. Nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux que les acheteurs publics s’en saisissent pleinement car la commande publique constitue l’un des leviers importants des politiques publiques et pourra, dès lors, participer pleinement à la transition écologique.
Nicolas CHARREL et Ariane BARDOUX, avocats au barreau de Paris, SELAS CHARREL & Associés (Paris, Montpellier, Marseille)
[1] Chiffres 2018, source Observatoire économique de la commande publique.
[2] Modifié par l’article 60 de la loi n° 2020-105.
[3] Dans cet article, ce terme est employé au sens large.
[4] Le seconde alinéa de l’article 55 de la loi n° 2020-105 vise les « administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration ».
[5] Article R. 2111-7 du code de la commande publique.
[6] Article R. 2111-4 du code de la commande publique.
[7] Article R. 2152-7 du code de la commande publique.
[8] Article R. 2152-9 du code de la commande publique.
[9] Article L. 2112-2 du code de la commande publique.
[10] Modifié par l’article 56 de la loi n° 2020-105.
[11] Articles R. 2172-35 et suivants du code de la commande publique.