La fin d’un marché public de travaux est encadrée strictement par le CCAG applicable au moment de la réception des travaux. Le titulaire du marché devra ainsi suivre une certaine procédure pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues, initiales et/ou complémentaires et d’éventuels intérêts moratoires, dans le cadre de son exécution.
Il en est de même concernant le mémoire en réclamation de l’attributaire qui en vertu du CCAG et de la jurisprudence doit « indiquer les montants des sommes dont l’entreprise demande le paiement et expose les motifs de cette demande » (Conseil d’Etat, 7 / 5 SSR, du 28 décembre 2001, 216642). La validité de ce mémoire en réclamation étant conditionné à la présence des « justifications nécessaires correspondants aux montants » indiqués, « Le mémoire reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ».
L’arrêt du Conseil d’État en date du 19 mai 2022 vient apporter une précision de taille en matière de droit à la réclamation du titulaire d’un marché de travaux, la question étant de savoir si les réclamations non mentionnées au stade du décompte final peuvent être valablement invoquées par le titulaire du marché auprès de l’acheteur dans son mémoire en réclamation.
En l’espèce, le groupement solidaire d'entreprises attributaire du lot n° 1 " voirie et réseaux divers - ouvrages d'art (secteurs extérieurs) " du marché de construction de la seconde ligne du tramway de Valenciennes a émis une réclamation auprès du syndicat intercommunal de transports acheteur lors de la notification du décompte général du marché. Sa demande ayant été refusée, il a alors saisi le Tribunal Administratif de Lille, qui par jugement du 19 mars 2019 a accueilli sa demande. Suite à l’appel formé par le syndicat, ce jugement a été annulé par la Cour Administrative d'Appel de Douai, par arrêt en date du 1er juin 2021 objet du présent pourvoi en cassation.
Le Conseil d’État rappelle, dans un premier temps, les différentes phases de réalisation du décompte général et définitif du marché, à savoir 1) établissement du projet de décompte final après l'achèvement des travaux par le titulaire du marché lui-même qui doit le remettre dans un délai de 45 jours au maitre d’œuvre (dans le cas d’espèce il est fait application du CCAG dans sa version 2009, le CCAG 2021 ayant porté ce délai à 30 jours), ou à défaut et suite à une mise en demeure infructueuse du titulaire établissement d’office du décompte final par le maitre d’œuvre ; 2) établissement du projet de décompte général par le maître d’ouvrage à partir du décompte final et des documents financiers du marché et, notification de ce dernier au titulaire du marché ; 3) ce décompte est réputé accepté et devient le décompte général et définitif du marché si le titulaire ne le renvoie pas avec les motifs de son refus dans le délai de 45 jours (il est également fait application du CCAG dans sa version 2009).
Avant de valider, dans un second temps, la possibilité pour le titulaire d’un marché d’un marché de travaux qui n’aurait pas établit de projet de décompte final et qui se serait vu notifier un décompte général sur la base d’un décompte final établit d’office par le maitre d’œuvre, d’émettre des réclamations sur ce dernier dans le délai de 45 jours « quand bien même elle porterait sur un poste de rémunération ou d'indemnisation qui n'avait pas été mentionné dans le décompte final établi d'office par le maître d'œuvre ».
Ainsi, il casse l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Douai qui a commis une faute de droit en retenant que le syndicat intercommunal de transport pouvait valablement rejeter les demandes de paiements complémentaires présentées dans son mémoire en réclamation, dans la mesure où celles- ci ne figuraient pas dans le décompte final établit d’office par le maitre d’œuvre.
On retiendra, donc, de la position du Conseil d’État que le silence gardé suite à la mise en demeure d’établir un projet de décompte final dans le délai prévu par la loi avant qu’un décompte final ne lui soit opposé d’office, ne prive pas le titulaire du marché de travaux d’inclure de nouvelles demandes dans son mémoire en réclamation suite à la notification du décompte général.