Par l'ordonnance commentée ci-joint, le Tribunal administratif a apporté une précision bienvenue : Comment une commune peut-elle démontrer son incapacité à financer une offre qu'elle considère inacceptable ?
Le traitement des offres inacceptables suppose pour l’acheteur de concilier, d’une part, l’obligation de les écarter sans régularisation possible et, d’autre part, la difficulté de démontrer une réelle incapacité de la financer c’est-à-dire de démontrer que l’offre excède non pas l’estimation du montant du marché mais les crédits budgétaires alloués à celui-ci lesquels doivent être, selon l’article L 2152-3 du code de la commande publique, déterminés et établis avant le lancement de la consultation.
Saisi par un soumissionnaire dont l’offre avait été déclarée inacceptable au motif qu’elle était supérieure de 145% à l’estimation du marché mais également qu’elle dépassait le budget alloué au marché, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nîmes apporte un éclairage pratique intéressant sur les conditions dans lesquelles l’acheteur, en tout cas les collectivités territoriales, doit expliquer son choix de juger une offre inacceptable (TA Nïmes, ord., 6 mai 2020, req. n°2001217).
En effet, l’ordonnance admet que l’acheteur puisse se référer au budget primitif et à ses annexes sans devoir justifier qu’il a fixé, pour chaque marché, une enveloppe budgétaire spécifique. Une telle option serait totalement incompatible avec le fonctionnement des collectivités territoriales en les obligeant à délibérer marché par marché et ce, avant le lancement de la consultation.
Ce budget, dont le niveau de détail ne permet pas toujours d’isoler les crédits budgétaires affectés à chaque marché, peut ensuite être éclairé et précisé par les documents internes établis par les services de la collectivité en préparation de l’adoption du budget primitif.
Plus encore, dès lors qu’il précède la publication de l’avis, un document préparatoire du budget peut permettre de considérer que les crédits alloués au marché ont bien été établis et fixés avant le lancement de la consultation quand bien même l’adoption du budget serait, comme au cas d’espèce, postérieure à cette date.
Cette solution a le mérite d’être pragmatique : elle concilie
- le calendrier budgétaire des collectivités territoriales qui peuvent délibérer sur le budget primitif jusqu’au 1er janvier (mais le préparent bien en amont)
- et la nécessité de relancer certaines consultations, au vu des échéances des marchés afférents, avant que le budget primitif ne soit définitivement adopté.
Au vu de ces éléments, la commune démontrait ainsi que l’offre de la requérante dépassait les crédits alloués au marché et qu’elle devait donc être écartée comme étant inacceptable.
Du fait de cette qualification, le requérant ne peut être lésé par l’attribution du marché à un candidat ayant remis une offre qu’il juge anormalement basse (voir mutatis mutandis s’agissant du choix d’une offre irrégulière : CE, 11 avril 2012, Syndicat Lloyd’s de Londres, req. n°354652). Tout comme le candidat ayant remis une offre irrégulière, celui ayant remis une offre inacceptable est donc présumé n’être lésé que par des griefs en lien avec la qualification de son offre comme étant inacceptable.