Le juge administratif longtemps présenté comme un allié de l’Administration, fait l’objet de critiques constantes résultant notamment de la dualité fonctionnelle de son juge suprême : le Conseil d’État, doté de fonctions de juridiction administrative (notamment en cassation) depuis la loi du 24 mai 1872, et de conseil de l’Administration. De nombreux observateurs y voient une porte ouverte à une carence de l’indépendance du juge administratif.
Néanmoins, pour garantir l’indépendance du juge administratif, et par là-même la séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif, d’une part l’indépendance de la juridiction administrative est affirmée de longue date au titre d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) à valeur constitutionnelle (Conseil constitutionnel, 22 juillet 1980, n°80-119 DC) et, d’autre part, l’article L.131-2 du Code de justice administrative prévoit que : « Les membres du Conseil d'État exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. ».
C’est d’abord du côté du Conseil d’État, en raison de sa dualité fonctionnelle, que différentes dispositions successives avaient été adoptées (décret n°2008-225 du 6 mars 2008 et décret n°2011-1950 du 23 décembre 2011 : articles R.122-21-1 et suivants du code de justice administrative)
Plus récemment et généralement, et du côté de l’impartialité, l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État (n°2021-702) puis la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice (n°2023-1059) ont renforcé les cadres législatif et réglementaire applicables aux nominations au Conseil d’État et aux recrutements au sein des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.
C’est dans ce cadre que la plus haute juridiction administrative rappelle dans son arrêt que « Les garanties qui gouvernent le statut des membres du Conseil d’État et des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel visent à assurer le respect de ce principe » (d’impartialité).
Cependant, le fait qu’un membre d’une juridiction administrative ait travaillé, travaille actuellement de manière concomitante ou travaillera dans l’Administration ne constitue pas, en soit, un motif pour mettre en doute son impartialité.
Il en reste que le juge administratif ne doit recevoir aucune instruction. Il ne doit pas non plus se saisir d’une affaire dans laquelle il « existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ».
Le juge ne peut être saisi d’une décision à laquelle il a pris part. il ne peut pas non plus prendre part à un jugement où, compte tenu d’un faisceau d’indices, son impartialité puisse être mise en doute.
À ce titre, le Conseil d’État précise que cette appréciation est casuistique et que ce faisceau d’indices comprend, par exemple « la nature des fonctions administratives exercées, l’autorité administrative en cause, le délai écoulé depuis qu’elles ont, le cas échéant, pris fin, ainsi que l’objet du litige ».
Dès lors, si le membre de la juridiction administrative a un doute sur une possible situation pouvant amener à un doute quant à son impartialité, il interroge le président de formation de jugement sur son éventuel déport. Le membre peut soit s’abstenir, soit être récusé.
En sus de ces garanties, le Conseil d’État rappelle les incompatibilités plus spécifiques des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel qui sont listées par le Code de justice administrative au seins des dispositions de ses articles L.231-5 à L.231-8.
Pour le Conseil d’État, ces règles sont de nature à garantir une totale indépendance des juridictions administratives. D’ailleurs, sa position est conforme à celle de la Cour européenne des droits de l’Homme qui considère que la proximité entre le juge administratif et l’Administration n’était pas de nature à empêcher la bonne application du principe d’indépendance (CEDH, 9 novembre 2006, Sacilor-Lormines c. France, n°65311/01).