La méthode de notation du Critère « Prix », consistant à additionner les prix du BPU sans leur appliquer aucune pondération ni tenir compte des quantités prévisionnelles de chacune des prestations demandées, alors pourtant que les prestations sont diverses et que l’écart de prix entre elles est important, est irrégulière.
Dans un arrêt inédit au Lebon du 13 novembre 2020 dernier, le Conseil d’Etat est venu apporter une réponse, qui paraissait peut-être évidente mais n’avait pas spécifiquement été tranchée, quant à la régularité d’une méthode de notation du critère « Prix » consistant à comparer l’offre financière des candidats en additionnant simplement les prix du BPU.
Dans cette affaire, qui concernait un accord-cadre à bons de commande, sans minimum ni maximum, de prestations de services juridiques, l’acheteur avait décidé de noter le critère du « Prix », en prenant en compte le montant résultant de l’addition des 9 prix figurant au BPU.
Ces prix étaient relatifs à des prestations différentes, allant de la réalisation de consultations juridiques simples et complexes à la représentation en justice, en passant par l'assistance dans le cadre de modes alternatifs de règlement des différends, et l’acheteur n’avait ainsi pas pris en compte les quantités, a minima prévisionnelles ou estimées, de chacune d’elles, pour noter le critère du Prix.
Pour résumer, l’acheteur n’avait pas établi de DQE (même masqué), ou l’avait établi indirectement mais en affectant une quantité de « 1 » à chacune des prestations, ce qui revenait implicitement à considérer que chacune des prestations seraient commandées en quantités strictement identiques ce qui, à l’évidence, n’allait pas être le cas.
Contestée et portée devant le Conseil d’Etat, la Haute juridiction se prononce sur la question de la validité d’une telle méthode de notation en rappelant le principe, désormais bien connu, selon lequel « une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie » (CE, 3 novembre 2014, Commune de Belleville-sur-Loire, req. n°373362)
Le Conseil d’Etat juge également de manière constante que la méthode de notation du critère du prix doit permettre d'attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé l’offre la moins disante (CE, 29 octobre 2013, req. n°370789).
La question posée au Conseil d’Etat était, au regard desdits principes, celle de savoir si la méthode de notation consistant à additionner « simplement » les prix d’un BPU, qui seraient pourtant nécessairement commandés en quantités différentes, permet de s’assurer que la meilleure note est attribuée au candidat ayant proposé la meilleure offre financière.
Autrement posée, peut-on se dispenser d’un DQE pour l’analyse du prix d’un accord-cadre à bons de commande, sans minimum ni maximum, a fortiori à prix unitaires ?
Le Conseil d’Etat y répond par la négative en considérant qu’ « eu égard à la diversité des prestations faisant l'objet de l'accord-cadre et à l'écart très important des prix unitaires proposés par les candidats, cette méthode de notation, qui renforçait l'importance relative des prix unitaires les plus élevés dans la notation du critère du prix alors même que le nombre prévisible de prestations correspondantes était faible, était par elle-même de nature à priver de sa portée ce critère, et, de ce fait, susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre sur ce critère ».
Si parfois, les quantités qui seront réellement exécutées ne sont évidemment pas connues, pour autant, les besoins antérieurs ayant au demeurant déjà fait l'objet de commandes permettent d'établir un DQE permettant d'être le plus proche possible de la réalité de la prestation à venir. Sauf cas très exceptionnnels, rien n'empêche donc d'établir un tel DQE permettant de juger correctement le prix, et partant le coût prévisible ou potentiel des différentes prestations du marché.
Plus étonnant toutefois, le Conseil d’Etat n’annule la procédure qu’au stade de l’analyse des offres.
Ce qui, indirectement, revient à inviter l’acheteur à reprendre l’analyse du critère « Prix » avec une méthode de notation régulière, c’est-à-dire en utilisant une méthode de notation prenant en considération les quantités prévisionnelles des prestations du BPU, soit en élaborant un DQE.
N’y-a-t-il néanmoins pas une petite problématique juridique à élaborer un DQE alors même que l’acheteur connait les offres, et donc les prix unitaires, des différents candidats ? Ou doit-on faire confiance à l’acheteur qui, nécessairement, n’aura pas tendance à faire varier les quantités en fonction des prix unitaires proposés par tel ou tel candidat ?
Contentieux introduit par le Cabinet - Décision commentée dans le Revue Contrats Publics - Le Moniteur, H. Letellier, « Le contrôle du juge administratif sur les modalités d’analyse des offres financières : quid de l’évaluation par simple cumul des prix unitaires ?», Contrats public – Le Moniteur, n° 216, janv. 2021