Ce 9 avril 2024, le Gouvernement a publié le très attendu décret n°2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers.
Pour rappel, les dispositions de l’article 54 de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (APER) sont venues consacrer la notion d’agrivoltaïsme avec la création de deux sections spécifiques au sein des parties législatives du Code de l’énergie (articles L.314-36 et suivants) et du Code de l’urbanisme (articles L.111-27 et suivants).
Ces dernières dispositions définissaient les installations agrivoltaïques comme les panneaux et modules solaires photovoltaïques qui, en plus de garantir une production agricole significative avec un revenu durable tout en préservant la vocation agricole de la parcelle via la réversibilité de l’installation, apportent directement à la parcelle agricole au moins l’un des quatre éléments suivants (II. de l’article 314-36 du Code de l’énergie) :
- L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
- L’adaptation au changement climatique ;
- La protection contre les aléas ;
- L’amélioration du bien-être animal.
Son décret d’application, du 8 avril 2024, vient détailler les conditions de mise en place des projets agrivoltaïques et du photovoltaïque au sol sur terrain naturels, agricoles et forestiers, était attendu, sans pour autant réglementer les modalités de contractualisation et de partage de la valeur générée entre les parties prenantes (l’exploitant agricole, le propriétaire du terrain d’implantation et le producteur d’électricité) qui feront l’objet de futures dispositions législatives.
Plus précisément, le décret discuté complète les Codes de l’énergie et de l’urbanisme avec de nouvelles sections en Partie règlementaire, et ce principalement aux articles R.314-108 et suivants du Code de l’énergie puis R.111-56 et suivants du Code de l’urbanisme, avec une très nette priorité donnée à la production alimentaire et au rendement agricole.
Les dispositions réglementaires viennent notamment éclairer les conditions de qualification alternatives de l’installation agrivoltaïque du II. de l’article L.314-36 du Code de l’énergie soit :
- La notion d’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique, qui doit consister cumulativement en une amélioration des qualités agronomiques du sol ainsi qu’en une augmentation du rendement de la production ou, à défaut, à un maintien dudit rendement (a minima, le rendement ne doit pas être impacté au-delà d’une réduction s’inscrivant dans une baisse tendancielle observée localement) ;
- Celle de service d’adaptation au changement climatique, qui consiste, d’une part, en une limitation des effets néfastes du changement climatique (contre les risques de canicules, gels, stress hydriques ou brûlures) avec une augmentation du rendement de la production agricole ou, comme précédemment, un maintien ou une baisse qui n’excède pas une réduction tendancielle locale, ou, d’autre part, en une amélioration de la qualité de la production agricole ;
- La notion de protection contre les aléas, qui concerne les aléas météorologiques qui font peser un risque sur la quantité ou la qualité de la production agricole, et n’inclut aucun aléa financier ou économique ;
- Celle d’amélioration du bien-être animal, qui s’entend comme l’amélioration du confort thermique des animaux par ombrage et réduction de la température de leurs espaces.
Pour satisfaire à la condition, cette fois-ci cumulative, de qualification comme agrivoltaïque, l’installation doit garantir une production agricole significative qui s’entend désormais comme une moyenne de rendement par hectare garanti sur la parcelle à hauteur d’au moins 90 % de l’ancienne moyenne par hectare avant l’installation.
De la même manière, pour garantir que la production agricole reste l’activité principale, l’installation devra garantir que seule une superficie inférieure ou égale à 10% de la surface couverte par l’installation ne soit plus exploitable, tout en étant d’une hauteur et d’un espacement entre rangées permettant une exploitation normale de la parcelle agricole (passage des engins et des animaux).
De plus, en ce qui concerne les autorisations d’urbanisme, et pour rappel, l’article L.111-29 du Code de l’urbanisme prévoit qu’un document-cadre, établit tous les cinq ans par arrêté préfectoral après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), des organisations professionnelles et collectivités territoriales concernées, sur proposition de la chambre départementale d’agriculture, qui vise à définir les surfaces ouvertes à un projet d’installation.
La proposition de la chambre départementale d’agriculture devra être adressée au préfet dans un délai de neuf mois à compter du 9 avril 2024, date de publication du décret.
À ce titre, le décret du 8 avril liste les surfaces pouvant être concernées, qui doivent répondre a minima à l’une des caractéristiques listées selon le nouvel article R.111-58 du Code de l’urbanisme, notamment en ce qu’elles constituent des surfaces situées en zone agricole non exploitées et situées à moins de cent mètres d’un bâtiment d’une exploitation agricole, ou constitue un site pollué, une friche industrielle ou un ancien site délaissé, ou si le site concerné est situé dans un secteur délimité par un plan local d’urbanisme (PLU) comme étant une zone favorable à l’implantation.
À noter en outre que le décret est également venu préciser que l’autorisation d’urbanisme peut, en la matière, autoriser l’implantation d’un projet pour une durée maximale allant jusqu’à quarante ans.
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux installations dont la demande de permis ou la déclaration préalable porte sur une installation agrivoltaïque qui est déposée à compter d’un mois après la date de publication du décret, ainsi qu’à celles pour les projets faisant l’objet de telles demandes d’autorisations déposées à compter d’un mois après la publication du document-cadre départemental.
Autant de nouvelles dispositions qui établissent un premier cadre réglementaire de l’agrivoltaïsme dense, mais qui reste à peaufiner dans le double objectif gouvernemental affiché de souveraineté tant énergétique qu’alimentaire.
En tout état de cause, les installations agrivoltaïques prennent désormais racine pour cultiver le potentiel photovoltaïque.