(voir aussi le commentaire de la fiche actualisée : https://charrel-avocats.com/actualite/flambee-des-prix-et-penurie-des-matieres-premieres-la-mise-jour-permanente-de-la-fiche)
La Direction des Affaires Juridiques a rédigé une nouvelle fiche technique pour permettre aux acheteurs de gérer et d’anticiper les difficultés d’exécution des marchés publics « confrontés à la flambée des prix et au risque de pénurie des matières premières ».
Dans cette fiche, d'une part, le bureau du conseil aux acheteurs expose aux lecteurs des propositions permettant aux parties à un marché public de gérer les difficultés en cours d’exécution en ce qui concerne les délais et l’application des pénalités ainsi que le prix. La fiche technique définit les notions juridiques clés qui permettront aux praticiens de disposer de la « porte d’entrée » pour analyser de manière plus approfondies leurs situations.
La fiche technique indique ainsi aux acheteurs qui leur est possible de faire évoluer l’application des stipulations sur les délais et les pénalités. En ces temps particuliers de crise, le rappel de la notion d’intangibilité du prix et des possibilités d’indemnisation des entreprises apparaissait indispensable.
Cependant, à notre sens, la rédaction d’une sous-partie consacrée à « la modification du contrat » sème le trouble à deux égards. Premièrement, elle laisse à penser que l’adaptation des clauses concernant les délais ou encore le versement d’indemnités ne constituerait pas une modification du contrat. Or, même si elles ne font pas l’objet de la rédaction d’avenants, quel que soit l’instrumentum choisi, et plus largement même en l’absence de toutes formes, ces évolutions sont des modifications du marché. Secondement, elle laisse à penser que le recours à l’article R. 2194-5 du code de la commande publique ne permettrait pas de faire évoluer les prix du marché alors qu’aucune disposition n’y fait obstacle.
D’autre part, la Direction des Affaire Juridiques fait également part de ses conseils de rédaction pour anticiper de telles difficultés.
Toutefois, l’on peut regretter un manque d’imagination en ce qui concerne les clauses relatives à la modification des prix. En effet, au-delà de l’application des clauses de révision ou d’actualisation – dont l’insertion est le plus souvent imposée par les dispositions règlementaires – il aurait pu être envisagé la rédaction de clauses de réexamen[1] pour permettre de régir les conséquences de la réalisation du risque, voire de clauses répartissant en amont les risques afin de réduire autant que possible les aléas.
S’agissant de la clause sur les pénalités, la proposition de la Direction des Affaires apparaît également critiquable puisque clairement superfétatoire. En effet, conformément à la jurisprudence administrative, le titulaire d’un marché public n’encourt l’application de pénalités que pour les faits qui lui sont imputables[2]. Sans qu’il soit nécessaire de le prévoir expressément dans le contrat, il est donc déjà acquis qu’il ne saurait se subir des pénalités lorsque le retard est la conséquence de « circonstances échappant à sa responsabilité et le mettant dans l’impossibilité de respecter les délais contractuels ». D’ailleurs de telles circonstances constituent le plus souvent, non pas un motif d’application de sanction financière mais une cause de réclamation de la part des entreprises.
Cela étant et en conclusion, l’on ne peut que saluer la rédaction de cette fiche thématique qui suit une approche opérationnelle et dont pourront donc se saisir les acheteurs mais également et surtout les opérateurs économiques confrontés à de telles difficultés.
[1] Article R. 2194-1 du code de la commande publique.
[2] Voir par exemple : CE, 11 février 1983, société Entreprise Caroni, req. n° 29123, Rec.