Dans le contexte actuel de la crise énergétique en suite de la crise sanitaire liée à la COVID 19 et dans la lignée des récents évènements liés aux fermetures de piscines, le Conseil d’État a émis ce 15 septembre un avis très attendu relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision[1].
Saisi par le ministère de l’économie et des finances, la question posée était celle de savoir si les surcoûts subis par un contractant d’un contrat de la commande publique, en cas de circonstances imprévisibles, pouvait être compensés soit par une modification de son prix ou de sa durée, sans en changer les conditions d’exécution. Et si cette compensation était rendue possible, quel seuil devait être pris en compte ? la compensation envisagée serait-elle négociable ? la temporalité de la dégradation économique du contrat devra-t-elle être prise en compte ? Comment l’articuler avec la théorie de l’imprévision ? les modalités d’appréciation d’un bouleversement de l’économie du contrat diffèreraient-elles selon le type de contrat ? quels supports juridiques seraient alors utilisés ? Différentes interrogations auxquelles l’avis du 15 septembre vient répondre.
Dans celui-ci, le Conseil d’État consent à cette compensation dans le cadre des dispositions du code de la commande publique : « ces modifications peuvent concerner, sur le fondement des dispositions du code de la commande publique, sous réserve qu’elles ne changent pas la nature globale du contrat, tant les caractéristiques et conditions d’exécution des prestations que le prix ou les tarifs, leur montant ou les modalités de leur détermination, ou encore la durée initialement convenus ». Il permet, ainsi, la modification des clauses financières du contrat qu’il distingue clairement de la possibilité pour le seul cocontractant qui continue de remplir ses obligations contractuelles d’être indemnisé en cas d’imprévision.
Il rappelle également que « le caractère permanent du bouleversement de l’équilibre économique du contrat fait obstacle à la poursuite de son exécution, de sorte que l’imprévision devient un cas de force majeure justifiant la résiliation de ce contrat ». Cependant, il admet une pluralité de modifications « d’un montant maximal, chacune, de 50 % du montant du contrat initial qu’il y a d’événements imprévisibles distincts dont le déficit d’exploitation est la conséquence directe ».
Il précise qu’outre la voie de l’autorisation unilatérale de l’administration, l’indemnisation des charges extracontractuelles causées par des circonstances imprévisibles peut également se faire via une convention d’indemnisation conclue entre deux contractants du contrat de la commande publique ou par voie judiciaire. Dans ce dernier cas, il indique que le plafond de 50% par modification ne s’applique pas au calcul de l’indemnité d’imprévision.
En ce qui concerne l’appréciation du bouleversement de l’économie du contrat selon le type de contrat de la commande publique, le Conseil d’État déduit de l’acceptation du risque par le concessionnaire issue de l’article L. 1121-1 du code de la commande publique et sous réserve des clauses du contrat, que cette appréciation diffère nécessairement entre une concession et un marché public, la part de risque acceptée devant être prise en compte pour la première.
Il précise également que cette indemnisation « est toujours soumise à l’exigence du bouleversement de l’économie du marché, qu’il soit conclu à prix global et forfaitaire ou à prix unitaire ».
Enfin, quant à la question de l’inscription de l’indemnité d’imprévision dans le décompte général et définitif, le Conseil d’État répond par la négative dans la mesure où « elle ne peut être regardée comme une conséquence financière de l’exécution du marché ».
A la suite de cet avis du Conseil d’Etat, la DAJ a publié, le 21 septembre 2022, une fiche relative à la « Possibilités offertes par le droit de la commande publique de modifier les conditions financières et la durée des contrats de la commande publique pour faire face à des circonstances imprévisibles et articulation avec l’indemnité d’imprévision » qui a pour objectif d’y apporter des précisions techniques. Nous vous invitons à lire notre brève relative à cette fiche technique.
[1] Avis n°405540 du 15 septembre 2022