La Loi climat et résilience dont l’un des objectifs majeurs est de diviser par deux l'artificialisation des sols, c'est à dire l'étalement urbain, par rapport à 2010, pour atteindre d'ici 2050 l'objectif de « zéro artificialisation nette » a été adoptée le 20 juillet 2021 par le Parlement, promulguée et publiée au journal officiel le 24 août 2021 et a déjà fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité par une décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021 du Conseil Constitutionnel (Loi 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets).
A l’heure où nous prenons conscience quotidiennement des effets du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité sur notre climat et notre mode de vie (peut-être encore davantage cet été particulièrement marqué par des dômes de chaleur, des inondations et des incendies hors norme), cette loi, pour son volet urbanisme, vise notamment à maîtriser le développement de l’urbanisation en favorisant la construction et la conception d’opération plus compactes qui intègrent des espaces verts ou de privilégier la réutilisation de secteurs déjà urbanisés, afin de consommer moins de terres naturelles, agricoles et forestières.
Cette loi présentée comme ambitieuse - mais néanmoins aussi beaucoup critiquée pour son manque d'ambition - marque un "tournant écologique" selon le Gouvernement puisqu’elle est notamment inspirée des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat, reprend les objectifs européens, consacre le principe de lutte contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme et modifiant ainsi le Code de l’urbanisme et le Code général des collectivités territoriales.
Six points essentiels, mais somme toute limités en réalité, sont à retenir.
I - LA CONSECRATION DE NOUVELLES DEFINITIONS
L’un des thèmes et donc des apports principaux de cette Loi est la définition de la notion d’artificialisation des sols.
En effet, un texte fixant des objectifs restreints de limitation de l’artificialisation des sols ne pouvait faire l’impasse de se livrer à définir clairement la notion.
Chose est faite, dans son article 192 la Loi définit ainsi pour la première fois cette notion d’artificialisation des sols :
« L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. » .
Néanmoins, le texte renvoie à un décret d’application qui devra être pris ultérieurement pour préciser cette définition et notamment la nomenclature des sols artificialisés et l’échelle à laquelle ils doivent être identifiés. Cet apport est d’ores et déjà limité par les précisions qui devront être apportées dans le futur.
Par ailleurs, afin de pallier cette artificialisation des sols, la loi intègre alors également la notion de renaturation des sols qu’elle définit en « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé. ».
L’objectif est donc clairement affiché dès l’entame de ce chapitre III Lutter contre l’artificialisation des sols en adaptant les règles d’urbanisme, réduire à néant toute artificialisation nette des sols à l’horizon 2050 et encourager la renaturation des sols lors de nouveaux projets.
Si la loi prévoit d’ailleurs dans son article 197 que le Schéma de cohérence territoriale (SCOT) peut délimiter « des zones préférentielles pour la renaturation » reste à savoir si les mesures fixées par le texte seront suffisantes pour parvenir à réaliser cet objectif.
II - L’AFFIRMATION DU POUVOIR CENTRAL DES REGIONS EN MATIERE D’URBANISME
L’article 194 de la Loi Climat et résilience place les régions en première ligne dans la lutte contre l’artificialisation des sols.
Aussi, elles devront inscrire l’objectif de réduction de 50% du rythme d’artificialisation des sols dans un délai de 10 ans dans le schéma d’aménagement régional (SRADET), sa révision devant être engagée dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi pour une adoption au plus tard dans les 2 ans à compter de la promulgation de la loi.
Par suite, l’ensemble des documents de planifications locaux (SCoT, PLU, carte communale) devront quant à eux se mettre en compatibilité avec le nouveau schéma d’aménagement régional dès leur première révision ou modification, et au plus tard dans un délai de 6 ans.
Attention cependant, les documents concernés (SDRIF, PLU, SCOT…) qui ne satisferont pas ces objectifs dans des délais fixés par la loi seront sanctionnés. En effet, le législateur a prévu que l’absence d’adaptation d’un SCOT par exemple aboutirait ainsi à la suspension des ouvertures à l’urbanisation des secteurs définis à l’article L.142-4 du Code de l’urbanisme (certaines zones AU ou secteurs non constructibles des cartes communales) jusqu’à l’entrée en vigueur du SCOT révisé ou modifié.
De même, en l’absence d’adaptation d’un PLU ou d’une carte communale, il serait impossible pour l’autorité compétente de délivrer une autorisation d’urbanisme, dans une zone à urbaniser du PLU ou dans les secteurs de la carte communale où les constructions sont autorisées, jusqu’à l’entrée en vigueur du PLU ou de la carte communale modifié ou révisé.
Afin de faciliter cette intégration dans les documents d’urbanisme dans les délais impartis, la Loi permet de recourir aux procédures de modifications simplifiées en matière de SCOT et de PLU.
Si la démarche du législateur est louable, reste à voir comment, dans les faits, les SRADDET seront révisés et dans quels délais.
En effet, les SRADDET introduits avec la Loi NOTRe du 5 août 2015 sont des documents récents, leur temps d’élaboration est assez long de par notamment la procédure à mettre en œuvre et l’ampleur de la tâche. Or, l’intégration de tels objectifs en matière de réduction de l’artificialisation implique déjà d’engager une révision de ces documents fraichement établis et ce jusqu’à la prochaine Loi les impactant…
Néanmoins, conscient de ce temps de latence, la Loi autorise par son article 226, le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance dans un délai de neuf mois suite à la promulgation de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi dans le but de favoriser la lutte contre l’artificialisation des sols et « accélérer les projets sur des terrains déjà artificialisés, dans les périmètres d’opérations de revitalisation de territoire, de grandes opérations d’urbanisme ou d’opérations d’intérêt national ».
Saisi du contrôle de la constitutionnalité de la Loi, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021, déclaré les articles 195 et 204 comme inconstitutionnel en ce qu’ils constituent des cavaliers législatifs et ne présentent aucun lien avec les dispositions de l’article 49 du projet de loi initial relatif à l’action contre l’artificialisation des sols :
- l'article 195 ratifiait trois ordonnances comportant des mesures de portée générale en matière d'aménagement et d'urbanisme, relatives respectivement au régime juridique du schéma d'aménagement régional, à la modernisation des schémas de cohérence territoriale et à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicables aux documents d'urbanisme ;
- l'article 204 soumettait les cartes communales à une évaluation périodique.
III - LA NAISSANCE D’UNE AUTORISATION SPECIALE DE VEGETALISATION DU DOMAINE PUBLIC CONSACRANT LA PRATIQUE DES PERMIS DE VEGETALISER
Toujours dans l’optique de favoriser la végétalisation des villes, la Loi (article 202) permet aux collectivités de délivrer des autorisations d’occupation temporaire (AOT) du domaine public à titre gratuit pour les projets participant « au développement de la nature en ville » sous réserve que les demandeurs ne poursuivent aucun but lucratif. La pratique des permis de végétaliser se trouve ainsi légalement consacrée, même si juridiquement, la mise en oeuvre de ce type d'autorisation ne pose pas de difficulté particulière, mais sécurisant le caractère gratuit de l'occupation domaniale pour cet usage.
Ce dispositif sera instauré sur décision de la commune compétente mais sans aucune obligation.
Les dispositifs de végétalisation installés devront respecter les règles du Code de l’urbanisme, de l’environnement et du patrimoine et devront aussi être compatibles avec la destination et l’usage du domaine public.
Par contre, et il s'agit bien d'une avancée, le texte permet également au maire de déroger, par décision motivée, aux règles d’urbanisme en matière de hauteur et d’aspect pour installer des dispositifs de végétalisation sur les façades et les toitures en zones urbaines et à urbaniser.
IV - LA MISE EN PLACE DE REGLES D’OPTIMISATION EN MATIERE D’URBANISME
L’idée dominante de la Loi est d’optimiser les terrains disponibles mais non utilisés ou encore ceux qui vont l’être pour des projets autorisés.
Ainsi, les collectivités qui souhaitent ouvrir de nouveaux espaces à l’urbanisation devront démontrer l’absence de parcelles disponibles.
Pour ce faire, la Loi a prévu plusieurs dispositifs permettant d’optimiser et de densifier les espaces déjà urbanisés ou à urbaniser.
a) L’optimisation de la densité des constructions
Aux termes de l’article 208 de la Loi, le législateur a souhaité faciliter la traduction dans les documents d'urbanisme de cette volonté de densification.
Ainsi, le règlement du PLU pourra fixer une densité minimale de constructions au sein des zones d’aménagement concerté (ZAC). L’idée est donc de pouvoir imposer dans le cadre des ZAC une utilisation minimum des terrains sans quoi le projet ne pourra être validé.
Les articles 209 et 210 prévoient que des dérogations quant au gabarit ou à la hauteur des constructions pourront être également accordées aux grandes opérations d’urbanisme ou pour les projets faisant preuve d’exemplarité environnementale.
Enfin, la Loi (article 214) créé au sein du code de l’urbanisme un nouvel article L. 300-1-1 qui regroupera l’obligation, pour les actions ou opérations d’aménagement soumise à évaluation environnementale, de réaliser l’étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables, déjà prévue aujourd’hui à l’article L. 300-1, ainsi que celle de réaliser une étude d’optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée.
b) Résorber la vacance des ZAE et leur recensement
De plus, les collectivités compétentes devront réaliser un inventaire des zones d’activités économiques (ZAE) afin de pouvoir mettre en demeure les propriétaires de réhabiliter les lieux ou de procéder plus facilement à leur expropriation après leur avoir adresser une mise en demeure de réaliser les travaux définis. Ce document doit être finalisé dans les deux ans après la promulgation de la Loi (article 220).
c) La mise en place d’observatoires de l’habitat et du foncier
Toujours dans cette optique d’optimiser l’utilisation du territoire déjà urbanisés des collectivités, la Loi (article 205) prescrit la mise en place, dans un délai de trois ans, d’observatoires de l’habitat et du foncier dont l’objectif est de dresser une cartographie des friches, locaux vacants et autres secteurs non utilisés dans leur globalité.
d) L’encouragement à la réhabilitation des friches
La Loi (article 214) prévoit que les projets de construction ou de travaux visant le réemploi d’une friche pourront solliciter du maire des « bonus réglementaires » relatifs au gabarit du bâtiment allant jusqu’à 30% des possibilités existantes, et des dérogations en matière de places de stationnement devant être réalisées.
Toujours dans cette optique d’encouragement de la réhabilitation des friches, la Loi prévoit l’expérimentation d’un certificat de projet dédié permettant le cas échant d’adapter les délais de procédure et de cristalliser le droit applicable au moment de la délivrance du certificat.
e) L’impact de la loi sur les lotissements
Afin de conforter cet objectif d’optimisation de l’espace construit ou à construire, l’article 221 prévoit un assouplissement du droit actuel en matière de modification des documents de lotissement en vue d'augmenter le nombre de lots autorisés en restaurant une majorité qualifiée à la moitié des propriétaires plutôt qu'aux deux tiers.
Saisi de la question de la constitutionnalité des dispositions de l'article 221, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021, décidé de censurer cet article comme étant un cavalier législatif puisqu’il a estimé que ces dispositions qui modifient certaines règles de majorité applicables à la modification des documents de lotissement, ne présentent pas de lien, même indirect, avec l'article 48 intégrant l'objectif de réduction de l'artificialisation des sols au sein des principes généraux du droit de l'urbanisme, ni avec celles, précitées, de l'article 49 du projet de loi initial.
f) Un assouplissement des règles de végétalisation en matière de réhabilitation
Par son article 201, la Loi apporte des précisions quant aux coefficients de pleine terre et de biotope au sein des règlements des PLU qui imposent une part minimale de surfaces végétalisées ou non-imperméabilisées pour les projets de construction ou d'aménagement en excluant notamment les opérations de réhabilitation du bâti existant, sans modification de l’emprise au sol.
V - LA MISE EN PLACE D’UN SUIVI DES MESURES PEU EFFECTIF
Il ne peut être sérieusement envisagé d’instaurer des mesures restrictives et des objectifs à atteindre sans doter les collectivités de moyens pour contrôler leur efficacité.
Aussi, par son article 206, la Loi prévoit un suivi périodique de l’efficacité des mesures mises en place en vue de lutter contre l’artificialisation des sols.
A ce titre, un rapport devra être remis au conseil municipal ou à l’assemblée délibérante tous les trois ans par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme.
Ce rapport a pour objet de présenter dans quelle mesure les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols ont été atteints au cours des années civiles précédentes. Il donnera lieu à un débat puis à un vote au sein du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante.
Le rapport et l’avis du conseil municipal ou de l’assemblée délibérante seront publiés.
L’article 207 prévoit quant à lui la création d’un article L.2231-2 dans le Code général des collectivités territoriales obligeant le Gouvernement à rendre un rapport d’évaluation périodique sur sa politique de réduction de l’artificialisation des sols une fois tous les cinq ans au moins.
D’une part, ces dispositifs ne semblent pas être à la hauteur des ambitions posées par le texte puisqu’aucune sanction n’est prévue en cas de non production de tels rapports.
D’autre part, la rédaction de ces rapports implique nécessairement la mobilisation des collectivités dans la réalisation d’un nouveau document programmatique, là ou certaines peinent déjà à disposer de documents d’urbanisme efficients et à jour. La pérennité de la mise en œuvre de cette disposition nous semble donc très compromise.
Enfin, au regard des délais accordés pour la production de ces rapports, les effets concrets de cette Loi ne seront mesurables que d’ici plusieurs années, ce qui semble en contradiction avec le niveau des objectifs fixés.
VI - DURCISSEMENT DES CONDITIONS D’AMENAGEMENT DES SURFACES COMMERCIALES
C’est là le point dur de la Loi dont l’objectif est clair, en finir avec le développement dans le paysage français de ces centres commerciaux démesurés situés en périphérie des villes.
Pour ce faire, l’article 215 de la Loi interdit la création de nouvelles surfaces commerciales entraînant une artificialisation des sols.
Une dérogation est néanmoins prévue pour les projets d’une surface de vente inférieure à 10.000 m2 ou consistant en l’extension des magasins ou ensembles commerciaux conduisant à accroître de moins de 1.000 m² l’emprise au sol sur le terrain d’assiette.
Toutefois, cette dérogation n’est valable que si le pétitionnaire démontre dans l’analyse d’impact, qu’il remplit les critères suivants :
- L’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation du territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville,
- L’insertion du projet dans une opération d’aménagement plus vaste ou dans un ensemble bâti déjà constitué, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné,
- L’éventuelle compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé,
- L’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale.
Selon l’avis du Conseil d’État du 4 février 2021 sur le projet de Loi, cette disposition d’interdiction des surfaces commerciales aurait pu en pratique être considérée comme inconstitutionnelle en ce qu’elle porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre dans le cas de zone où les documents d’urbanisme autorisent ce type d’activité mais où l’administration refuse systématiquement la délivrance de l’autorisation d’exploitation au seul motif d’une artificialisation des sols, au demeurant inhérente à l’acte de construire.
Saisi de cette question de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, le Conseil Constitutionnel a, dans sa décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021, estimé que les dispositions contestées ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les entreprises de commerce en ligne et celles qui exercent une activité de commerce au détail.
Cette disposition phare de la Loi Climat et résilience doit donc être nuancée et il faudra attendre sa mise en pratique afin de savoir si elle est finalement efficiente et significative ou non.
Dans son article 219, la Loi tente également de réglementer l’implantation des constructions logistiques destinées uniquement aux grands sites de vente en ligne.
Elle complète ainsi la liste des critères au regard desquels le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC), devenu document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL), détermine les conditions d’implantation des constructions commerciales et logistiques et y intègre l’impact sur les équilibres territoriaux du commerce en ligne.
Selon la Loi, ce document devra comporter « une analyse de l’implantation des constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur, impact sur les équilibres territoriaux notamment au regard du développement du commerce de proximité, de la fréquence d’achat ou des flux générés par les personnes ou les marchandises ».
Le texte prévoit d’ailleurs une meilleure intégration des enjeux de logistique dans les SRADDET à partir d’un ensemble de critères : flux des marchandises, localisation des axes routiers, développement du commerce de proximité et du commerce en ligne, ou encore utilisation économe des sols.
Enfin, il précise également qu’en l'absence de SCOT, les OAP d'un PLU(i) déterminent les conditions d'implantation des équipements non seulement commerciaux et logistiques, mais également artisanaux.
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Seule la mise en œuvre de ces différentes mesures à l’avenir nous permettra de confirmer si elles sont finalement à la hauteur de l’urgence climatique qui pèse sur les générations futures.