L’article L. 2194-1 du Code de la commande publique permet de modifier, sans nouvelle mise en concurrence, les marchés publics conclus à la condition que les modifications ne changent pas la nature globale du marché. Cela reste encadré et les modifications ne sont possibles que lorsque :
« 1° Les modifications ont été prévues dans les documents contractuels initiaux ;
2° Des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires ;
3° Les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ;
4° Un nouveau titulaire se substitue au titulaire initial du marché ;
5° Les modifications ne sont pas substantielles ;
6° Les modifications sont de faible montant ».
L’article R. 2194-1 du même code ajoute que « le marché peut être modifié lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ont été prévues dans les documents contractuels initiaux sous la forme de clauses de réexamen, dont des clauses de variation du prix ou d’options claires, précises et sans équivoque » et que « ces clauses indiquent le champ d’application et la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il peut en être fait usage ».
La modification d’un marché public conclu est, ainsi, permise aux acheteurs, sans limitation de montant et dès lors qu’elle a été prévue contractuellement par l’insertion d’une clause de réexamen dans les pièces de mise en concurrence initiale du marché, cette clause devant être intelligible, expresse et sans remise en cause de la nature globale du marché. Mais comment appliquer concrètement ces conditions ?
Une réponse apportée par la Cour Administrative d’Appel de Lyon contribue à mieux cerner les conditions de validité d'une telle clause.
En l’espèce, la société attributaire du marché public d’exploitation de déchetteries conclu à prix forfaitaires annuels révisables sollicitait le versement d’une somme complémentaire par le syndicat mixte intercommunal de collecte et traitement d’ordures ménagères acheteur au motif que le tonnage de déchets à traiter avait évolué au cours de l'exécution du marché, permettant l’application de la clause de réexamen prévu dans son CCAP.
Cette clause prévoyait que « (...) Les prestations forfaitaires sont calculées à partir des tonnages connus en 2010 (...). / Pour tenir compte de l'évolution des conditions économiques et techniques, un réexamen des prix peut être envisagé sur l'initiative du titulaire ou du SMICTOM, dans les cas suivants : / (...) 3. En cas de modification importante de la consistance et des conditions d'exécution du service ; / (...) Pour ces quatre cas, le titulaire devra produire les justificatifs nécessaires ».
Par jugement n°1806044 du 28 mai 2020, le Tribunal Administratif saisi a rejeté sa demande. La société a donc formé un appel à son encontre.
Par arrêt n°20LY01809 en date du 31 mai 2022, la Cour a jugé qu’en l’espèce le syndicat ne pouvait faire application de ladite clause puisqu’ « la société n'établit pas, (…), que le surplus du tonnage de déchets traité pendant la durée d'exécution du contrat constitue une modification importante de la consistance et des conditions d'exécution du service ». Par suite sa requête est rejetée.
Cet arrêt renforce la nécessité de bien construire en amont la clause de réexamen d’un marché dont les conditions d’application devront être prévus clairement et expressément, le titulaire du marché devant justifier, pour en faire usage, de manière précise et argumenté des causes de sa mise en œuvre pour que la clause de réexamen puisse valablement s’appliquer et permettre le paiement de surcoûts... et ici, l'importance de définir la notion de modification importante de la prestation !