Très attendue, la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables (EnR) a été définitivement adoptée par le Parlement à la suite du vote des sénateurs du 7 février dernier et vient d'être publiée au journal officiel ce samedi 11 mars après avoir été validée pour sa grande majorité par le Conseil Constitutionnel.
Ce dernier n'a en effet, émis aucune censure sur le fond. Il a censuré partiellement le projet de loi, suite à la saisine des parties LR et RN, et notamment les articles suivants :
- l'article 65 (qui prévoyait que l'Etat favorise par son action le développement des EnR marines dans les ports) est censuré car dépourvu de portée normative.
- Les articles 46 (prévoyant la remise au Parlement d'un rapport sur la réglementation thermique des bâtiments), 48 (supprimant l'interdiction pour les producteurs en autoconsommation collective d'en faire leur activité professionnelle principale), 49 (sur l'obligation des OHLM d'affecter le surplus des opérations d'autoconsommation à la réduction des charges communes), 55 (sur l'expérimentation de gaz naturel dans la production d'azote agricole), 79 (sur la valorisation par des installations de production simultanée de chaleur et d’électricité à partir de combustibles solides de récupération dans le cadre de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets), 94 (prévoyant la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la répartition de la compétence énergie entre les CT), 97 (complétant le rapport des actions menées en faveur de la transition écologique au titre de l'article L.2311-1-1 du CGCT), 111 (sur le rapport devant être remis par le Gouvernement au Parlement sur l'évolution des recettes Outre-mer sur les produits énergétiques), 113 (sur le rapport que VNF devait être sur sa production d'EnR) et 115 (sur le rapport du gouvernement au parlement sur l’évaluation du potentiel d'utilisation des biocarburants en Outre-mer), sont considérées comme étant adoptées sans lien avec le projet de loi initialement déposé au Sénat et donc contraires à la constitution.
L’objectif du gouvernement à l’initiative de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, était de faciliter l’implantation des installations d’EnR, notamment en réduisant les délais et en libérant du foncier.
En ce sens, les dispositions adoptées prévoient des règles dérogatoires en matière d'urbanisme et d'autorisations environnementales.
En effet, si l’autorisation environnementale et le schéma de cohérence territoriale (SCoT) devront désormais, en matière d’éolien terrestre, prévenir les éventuelles saturations visuelles[1], la loi favorise l’implantation des installations de production d’énergie solaire et d’hydrogène en friches des zones littorales et ainsi qu’en zone montagneuse, par dérogation du principe d’urbanisation en continuité[2], ou dans certains cas en-dehors des zones délimitées exposées au recul du trait de côté identifiées par le plan local d’urbanisme. Dans le même sens, le préfet pourra intégrer des exceptions aux interdictions d’installations le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN)[3], et les installations seront considérées comme nécessaires à l’exploitation agricole[4].
À noter aussi, en matière environnementale, l’instauration d’une présomption de satisfaction à la condition de raison impérative d’intérêt public majeure, pour la dérogation espèces protégées[5].
Toujours dans l’objectif d’accélérer les délais de réalisation de projets, et dans la continuité des dérogations déjà instaurées en la matière[6], le législateur instaure de nouvelles dispositions spécifiques au contentieux des énergies renouvelables.
Le régime contentieux des autorisations ou contrats d’occupation s’aligne sur celui des autorisations d’urbanisme ou de l’autorisation environnementale en matière d’annulation partielle et de régularisation[7], avec l’instauration obligation de notification des recours à peine d’irrecevabilité.
Il faut aussi mentionner la création d'un fonds de garantie destiné aux porteurs de projets, qui pourront être indemnisés d'une partie des pertes financières causées par l'annulation d'une autorisation environnementale ou d'urbanisme par le juge[8].
Pour réduire la durée de l’instruction des autorisations préalables, en plus de la réduction des délais de l’enquête publique ou des délais de raccordement[9], il est ainsi prévu que l’autorisation environnementale tienne lieu d’autorisation unique au sens de l’ordonnance du 8 décembre 2016[10] ou d’arrêté d’approbation de la concession d'utilisation du domaine public maritime, et dans certains cas autorisation d’exploiter.
En matière d’énergie solaire, la loi d’accélération accentue les obligations d’installations sur les bâtiments et ombrières, instaurées initialement par la loi Climat et Résilience[11], tout en instaurant des dispositions spécifiques en matière d’agrivoltaïsme[12], correspondant aux modules solaires installés sur une parcelle agricole et qui contribuent à l’installation, au maintien ou au développement d’une exploitation agricole.
De plus, l’une des mesures phares consiste en la création de zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’EnR, que pourront créer les communes tous les 5 ans, de même que des zones de limitation, voire d’exclusion. L’objectif est d’établir une cartographie des zones présentant un potentiel d’implantation, et d’autoriser dans ces zones des modulations du tarif de rachat.
Enfin, concernant la vente et le financement des énergies renouvelables, les parlementaires ont adopté diverses mesures permettant aux producteurs de vendre une partie de leur électricité produite en-dehors des mécanismes de soutien (complément de rémunération ou obligation d’achat) via un corporate power purchase agreements (CPPA), c’est-à-dire des contrats de vente conclus directement sur le marché avec des consommateurs finals[13], tout en complétant le régime de l’autoconsommation, individuelle ou collective[14] et du financement participatif. Les acheteurs publics pourront désormais prétendre à l’achat d’électricité verte par ces mécanismes ou investir par des offres de participation au capital ou des achats de participation.
La plupart de ces dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2023 et feront l’objet de décrets d’application.
[1] Articles L.515-44 modifié du code de l’environnement et L. 141-10 modifié du code de l’urbanisme.
[2] Nouvel article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme et article L. 122-7 modifié du code de l’urbanisme.
[3] Article L. 562-1 modifié du code de l’environnement et nouvel article L. 562-4-2 du même code.
[4] Article R.111-4 du code de l’urbanisme modifié.
[5] Nouveaux articles L. 211-2-1 du code de l’énergie et L. 411‐2‐1 du code de l’environnement.
[6] Décrets n° 2018-1054 du 29 novembre 2018, n° 2021-282 du 12 mars 2021 et décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022.
[7] Nouvel article L. 2331-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques et l'article L. 181-17 modifié du code de l’environnement.
[8] Nouvel article L. 311-10-5 du code de l’énergie.
[9] Article L. 342-3 du code de l’énergie modifié.
[10] Ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.
[11] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
[12] Nouvelle section 7 au Chapitre IV du Titre Ier du Livre III du code de l’énergie, ainsi que nouvelle section 9 au chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de l’urbanisme.
[13] Articles L. 311-12 et L. 333-1 modifiés et nouvel article L.331-5 du code de l’énergie.
[14] Articles L.315-1 et L.315-2 du code de l’énergie modifiés et nouveau chapitre VIII au titre IV du livre IV du code de l’énergie.