Les infractions à l’urbanisme sont délicates à dissimuler et le constructeur indélicat a souvent du mal à atteindre le saint graal que constitue la prescription.
Si celle-ci est acquise six ans après l’achèvement des travaux, les actes de poursuites et d’enquête et de poursuite interrompent ce délai.
Les actes d’enquête peuvent être constitués, notamment, par des procès-verbaux de constats d’infractions dressés par la police municipale (au besoin à l’initiative d’un voisin importuné), ou bien par la mise en œuvre du « droit de visite et de communication ».
Cette dernière possibilité, récemment modifiée par la loi ELAN du 23 novembre 2018, est un exemple de la difficulté de concilier des principes contradictoires : nécessité de protection de l’environnement, protection des nuisances, garantie de la santé et de la sécurité des personnes d’un côté et respect du domicile et de la vie privée de l’autre.
Codifié depuis le 1er octobre 2007 aux articles L.461-1 et suivants du Code de l’urbanisme, le droit de visite n’apportait que de faibles garanties procédurales.
Anticipant une condamnation par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (qui arrivera le 16 mai 2019 dans l’affaire Halabi c/ France), la France modifiait son arsenal législatif et imposait, préalablement à la visite tendant à faire constater une infraction, l’accord de l’intéressé ou, à défaut, l’autorisation d’une autorité judiciaire.
Cette évolution illustre la nécessité de garantir des droits aux personnes poursuivies, même en matière d’infractions à l’urbanisme.
Les nouvelles technologies et les interrogations dont elles s’accompagnent – en matière de protection des données personnelles notamment – innervent également le droit pénal de l’urbanisme.
Les données existantes sont facilement accessibles et nombreuses : les vues aériennes tirées de google earth ou de géoportail constituent alors des sources efficaces et incontestables à la disposition des autorités poursuivantes.
Pour autant, le fait que tout le monde puisse accéder à ces données, qu’elles soient mises sur la place publique, permet-il de fonder ou de justifier une action pénale ?
Le ministère public et l’administration peuvent-ils se servir d’images prises par satellites, publiées librement sur internet, accessibles à tous et pourtant recueillies sans l’accord préalable de la personne poursuivie ?
Interrogé sur ce point, le Ministre de l’intérieur rappelait, dans une réponse publiée au JO du Sénat le 5 mars dernierque « le système pénal français est fondé sur le principe de liberté dans l’établissement de la preuve, conformément à l’article 427 du Code de procédure pénale. (…) Ce principe souffre de deux limitations que sont la loyauté et la licéité de la preuve. ».
Il indiquait que, à ce titre, une preuve obtenue « dans des circonstances constitutives d’une infraction ou d’une ingérence excessive dans la vie privée » serait irrecevable, citant l’exemple d’un drone survolant une propriété privée, comme il l’avait déjà signalé au même parlementaire visiblement curieux sur le sujet.
Le Ministre confirmait que « le recueil d’images par des entités privées telles que Google maps peut constituer un traitement de donnée à caractère personnel » et qu’il n’est donc licite, que, sous certaines conditions fixées par l’article 5 de la loi du 6 janvier 1978.
Ainsi « La personne concernée dispose, en particulier, du droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que les données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement. »
Cette opposition peut se faire au vu du droit au respect de la vie privée, laquelle doit s’entendre de l’image du domicile de la personne.
Toutefois, « ce droit doit cependant être concilié avec le droit à la communication et l'information du public, ce qui conduit les juridictions à estimer que le propriétaire d'une habitation ne peut s'opposer à la reproduction de l'image de son bien qu'à la condition que l'exploitation de la photographie porte un trouble certain à son droit d'usage ou de jouissance. »
Enfin, le Ministre refermait le débat en indiquant que « ces données ne sont pas recueillies par des officiers de police judiciaire mais par des tiers, et que ces données sont publiquement disponibles. Or, selon la jurisprudence, ne peut être annulé un document qui constitue une pièce à conviction et ne procède, dans sa confection, d'aucune intervention, directe ou indirecte, d'une autorité publique (Crim. 31 janvier 2012) et ce, quand bien même elle aurait été obtenue de manière illicite ou déloyale (Crim. 27 janvier 2010) »
Dans ces conditions, le moyen de preuve devrait, selon le ministre, être admis.
A l’évidence, cette réponse ne modifiera pas les pratiques en la matière, puisque ce mode de preuve est d’ores et déjà communément admis.
Toutefois, il est intéressant de se pencher sur ces questions dont la solution repose sur un équilibre entre deux intérêts légitimes contradictoires et qui est donc susceptible d’évoluer.
A l’avenir, il appartiendra à tout plaideur bien inspiré de faire naitre des décisions contraires à la réponse ministérielle évoquée.
La jurisprudence sur ces sujets pourrait-elle éviter qu’un constructeur peu scrupuleux ne se fasse pesquer* ?
*brève rédigée par la branche Montpelliéraine du cabinet